Agnès Buzyn : une rentrée sur les chapeaux de roues pour la ministre de la Santé

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Depuis le 1er janvier 2018, on n’entend, on ne voit qu’elle dans les médias : Agnès Buzyn est celle du gouvernement qui fait le plus parler d’elle en ce début d’année. D’abord, sur le front de la vaccination. Alors que désormais, 11 vaccins sont obligatoires pour les nouveaux nés (au lieu de 3), la doctoresse-ministre part en campagne contre « la désinformation et la théorie du complot ». Les Français sont de plus en plus sceptiques sur les injections subies par leurs enfants ? Madame la ministre ne s’en laisse pas conter, n’essaie de brosser personne dans le sens du poil, et rappelle l’importance de la vaccination dans les progrès de la science et de l’humanité en matière d’espérance de vie, ainsi que le principe de la responsabilité de chacun pour une vie en collectif sans risque. Elle est courageuse, déterminée, plaît ou déplaît mais ne laisse personne indifférent.

 

En visite, ce jeudi 4 janvier 2018 dans la capitale bretonne, la ministre de la santé a expliqué quelle «stratégie nationale de santé» elle entendait mettre en place pour les quelques 5 prochaines années. Agnès Buzyn a parlé avec le sourire, la malice dans ses beaux yeux bruns, la voix ferme et assurée, sûre d’elle, de ses projets, de leur bien fondé. Personne ne pourrait lui dénier la volonté de bien faire, c’est certain. Pour autant, elle est restée bien vague sur les financements qui devraient permettre à ses ambitions de devenir réalités. Et c’est bien là que le bas blesse : jamais l’expression « l’argent est le nerf de la guerre » n’a autant pris tout son sens que sur la thématique de la santé dans notre pays.

 

Pour tenter de faire passer la pillule, pardonnez-nous le bon mot, la ministre de la santé n’a pas jeté par hasard son dévolu sur l’École des hautes études en santé publique de Rennes, pour prononcer son discours de rentrée et sa vision quinquennale de la santé publique en France. Agnès Buzyn a exposé, devant un auditoire recueilli d’étudiants, les quatre grands chapitres  sa « stratégie nationale de santé », publiée, pour les curieux, le 29 décembre au Journal officiel. S’adressant aussi aux cadres des établissements de soins, quels qu’ils soient, elle leur a d’emblée mis la pression avec une injonction douce mais sans appel, à la formulation sans doute involontairement Hollandaise : « C’est à vous qu’il reviendra de conduire le changement ».

 

Agnès Buzyn a commencé par le commencement : en France, on s’affole pour guérir, on oublie de prévenir, il faut s’y remettre, et d’arrache-pied, en matière de prévention. La ministre a étudié un peu ce qui se fait chez nos voisins : l’Italie dépense deux fois plus que nous en matière de prévention, la France est à la traîne, il faut réagir, 2 % du budget de santé pour le préventif c’est trop peu. Il faut donc sensibiliser, bien plus et bien mieux, les Français de 0 à 99 ans aux manières de préserver leur santé, de se protéger des maladies évitables et d’acquérir des réflexes et des modes de vie plus sains, « dans tous les milieux et tout au long de la vie ». Et d’insister, toutefois, un peu plus sur les personnels de santé qui travaillent « avec les publics précaires », davantage touchés par les maladies liées au tabac et à la malbouffe.

 

Son autre grand cheval de bataille, et personne ne peut dire qu’elle a tort, c’est le grand, le grave problème de la désertification médicale, qui galope et prive chaque année un peu plus les populations situées en dehors des très grandes villes de médecins généralistes et surtout, de spécialistes et d’hôpitaux aptes à les accueillir en cas d’urgence ou en nécessité de soins lourds. Il faut donc, estime la ministre, vaincre le désert, et puisqu’on est dans la métaphore, elle a introduit l’image de « l’irrigation » : recréons des oasis médicales là où plus rien ne pousse, doublons le nombre de maisons de santé, élargissons le périmètre des secteurs pouvant prétendre aux aides à l’installation des médecins, créons quelques 300 postes à cheval entre hôpital et campagne. La « lutte contre les disparités territoriales » est clairement la priorité de la ministre. Et elle demande à tous ceux qui ont des idées de « solutions innovantes» de ne pas hésiter à les lui soumettre. A bon entendeur…

 

Troisième axe majeur de sa politique de santé d’ici 2022 : l’hôpital. Aïe. Un secteur en souffrance depuis longtemps, étranglé, étouffé, en manque d’oxygène et de main d’œuvre. Agnès Buzyn semble consciente d’une chose, sans doute parce qu’elle-même est issue du sérail des médecins et qu’elle a l’immense qualité de n’avoir pas -encore- oublié son expérience de terrain, « les hôpitaux sont enfermés dans une logique de rentabilité » qui ne devrait pas être leur vocation. Elle propose donc d’en terminer avec la tarification à l’acte, de faire la chasse au gaspi du côté des actes inutiles, ce qui fera arithmétiquement « dégonfler l’activité » et permettra d’améliorer ceux dispensés et de gagner en terme de qualité des « parcours de soin ». Consciente que la pléthore d’actes inutiles est destinée à « obtenir davantage de crédits de l’Etat », Agnès Buzyn souhaite crever l’abcès, juguler le cercle vicieux, et pour cela, une seule possibilité : « trouver un nouveau système de financement de l’hôpital ».  Le brainstorming est en cours, « des annonces devraient être faites dans les prochains mois ».

 

Enfin, pour conclure comme il se doit sur une note prospective, un clin d’œil à l’avenir, la ministre de la santé a souhaité évoquer la question, épineuse elle aussi, de la recherche et de l’innovation en matière de santé. « Nous devons être capables de repérer plus tôt les innovations porteuses de progrès », explique-t-elle, et travailler sur les solutions de demain en matière de santé publique, en particulier dans les domaines comme le numérique, la télémédecine, la personnalisation accrue des diagnostics et des protocoles, avec prise en compte des bénéfices à court terme mais aussi à moyen et long terme pour le patient.

 

Pour tout cela, elle réfléchit à moyens constants et refuse de partir du principe que l’argent est la clé de tout : « Dire qu’il faut toujours plus d’argent, c’est céder à la facilité », argumente-t-elle, et on aimerait la croire. Elle, pense que ce qu’il faut c’est mieux s’organiser, dégraisser le mammouth de tous les capitons inutiles pour mieux le muscler ensuite là où c’est nécessaire, être efficace plutôt que dépensier, mieux gérer la bourse et en tenir les cordons autrement : « Parlons d’abord d’organisation efficace de notre système de santé, tous les professionnels de santé savent que le problème est là ».

 

 




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