Alcool et tabac pendant la grossesse : le cri d’alarme des médecins et des scientifiques

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13C’est une étude publiée fin mars 2016 par une revue scientifique américaine spécialisée dans la génétique, qui a jeté le pavé dans la mare : on savait depuis longtemps que l’alcool et le tabac étaient mauvais pour le fœtus, lorsque la mère en consommait durant la grossesse. On sait désormais que les effets indésirables de ces substances sur le bébé sont pires encore qu’on ne l’imaginait. De fait, l’étude publiée par cette revue, American Journal of Human Genetics, menée auprès de quasiment 7000 femmes enceintes et leurs enfants dans différents pays du globe, révèlent que le tabac peut carrément modifier l’ADN du fœtus, restreignant ainsi la possibilité pour le corps de décoder ses propres gênes, et donc nuisant à la bonne synthèse de molécules indispensables au bon fonctionnement de l’organisme et à un bon développement du bébé.

 

5 (1)« Les nouveaux nés exposés au tabac pendant toute la grossesse de leur mère ont en fait subi un tabagisme passif important par les voies du sang, et tous les effets négatifs lui en ont été transmis par le placenta », explique ainsi le docteur London, épidémiologiste à l’Institut National Américain des Sciences de la Santé (NIEHS). « Cette exposition a activé chez eux les mêmes gènes que chez un fumeur adulte, c’est réellement un constat étonnant ». Etonnant et… extrêmement alarmant. Car chez des bébés dont les mamans ont fumé de manière régulière pendant toute la durée de leur grossesse, les chercheurs ont constaté pas moins de 6000 modifications génétiques, que les bébés de mamans non fumeuses n’ont pas subies. Les gênes affectés sont directement liés aux poumons, au système nerveux, à des handicaps physiques comme le bec de lièvre, ou à des prédispositions à certains cancers.

 

11 (1)Cette étude est la première du genre a avoir été menée par le PACE, l’International Pregnancy and Childhood Epigenetics. Il s’agit d’un consortium international de scientifiques et de médecins du monde entier, qui ont décidé de travailler ensemble sur les effets du tabac, de l’alcool, de l’hypertension, du surpoids ou de la pollution, sur les fœtus. Ces équipes, tirent d’ailleurs la sonnette d’alarme sur le tabac, mais aussi sur les effets de l’alcool pendant une grossesse. Tout comme l’Académie de Médecine française, qui a renouvelé son appel à une « tolérance zéro », ce 22 mars 2016 avec la publication d’un nouveau rapport : « Les mécanismes de toxicité de l’alcool et du tabac sur le cerveau du fœtus sont de mieux en mieux connus, les méthodes de diagnostic ont-elles aussi fortement progressé ces dernières années, et pourtant : les troubles causés par l’alcoolisme fœtal, par exemple, ne régressent pas », alerte ainsi l’Académie. « Un enfant sur cent reste concerné par ces troubles, avec 10% de formes graves comme le syndrome d’alcoolisation fœtale ».

 

8 (1)« La gravité des situations créées chez l’enfant à naître appelle une prise de conscience collective », précisent encore les médecins. « La prévention reste insuffisante, auprès des femmes en âge de procréer, notamment les plus jeunes comme les adolescentes, et de manière générale, le grand public : car les pères des enfants à naître peuvent jouer un rôle crucial pour éviter l’alcoolisation fœtale de leur bébé ». Car le constat est là : la question de savoir si l’on peut, ou non, boire de l’alcool pendant sa grossesse, continue de partager les Français. Et la plupart des futures mamans, sans être pour autant alcooliques, loin de là, reconnaissent un « petit écart de temps en temps ». Et 3 Français sur 4 estiment encore, aujourd’hui, d’après les études les plus récentes (2015) que « la consommation d’alcool pendant la grossesse n’est pas forcément nuisible pour le fœtus ». Or, selon les médecins, c’est une grave erreur : pour eux, dès le premier verre, le risque est bien là : « L’alcool passe dans le sang de la mère mais aussi dans le sang du bébé », explique le docteur Patricia Diallo, gynécologue à l’Institut médical Montsouris, à Paris. « La mère va peut-être éliminer un verre d’alcool rapidement, mais le bébé lui, ne sera pas suffisamment mature au niveau du foie pour pouvoir l’éliminer ».

 

15 (1)Selon les cas, les conséquences peuvent réellement être terribles, mais peu de futurs parents en ont bien conscience : « Certains bébés ont un retard de croissance, d’abord intra-utérin puis après la naissance », détaille ainsi Viet Nguyen Thanh, spécialiste de l’Institut National d’Education pour la Santé. « L’alcool nuit aussi, on le sait désormais de manière formelle, au développement du cerveau du fœtus, donc cela peut être lié à des troubles de l’apprentissage et de l’attention, une fois l’enfant né. Enfin, il y a un sur risque de fausse-couche pendant la grossesse. Sans parler de handicaps physiques lourds ». Environ 8000 enfants naissent chaque année en France avec des troubles liés à l’alcoolisation fœtale.

 

 




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