Assistante sociale : les hauts et les bas d’un « métier vocation »

Temps de lecture : 5 minutes

aide_socialeElles vous le diront toutes, les assistantes sociales : « sans passion, c’est même pas la peine ». Cyrielle, Marion et les autres font leur pause sandwich, à l’Institut d’Enseignement Supérieur de Travail Social, à Marseille. Agées de 22 à 26 ans, elles sont catégoriques : « si tu ne t’accroches pas, si tu ne persévères pas, tu ne peux pas y arriver. Le niveau est élevé, mais surtout, les stages pratiques sont de vraies épreuves d’aguerrissement. On est confrontées à toute la misère du monde, ce n’est pas un cliché. Alors sans l’envie d’y arriver à tout prix, on baisse les bras très vite, comme certaines de nos copines qui sont parties à l’issue du premier semestre ».

 

assistanteC’est Cyrielle qui parle, une jeune lilloise venue dans le sud pour ses deux amours, son fiancé et son futur métier. Elle a su sur le tard qu’elle voulait s’engager dans cette voie là. Un déclic. Mais elle ne regrette rien. « C’est vrai que parfois, on a l’impression qu’on n’y arrivera jamais. J’ai fait des stages vraiment difficiles, où j’ai découvert des univers tellement éloignés du mien que je ne voyais pas vraiment ce que je pouvais apporter à ces gens au bout du rouleau. Et puis j’ai compris que justement, ma distance, mon regard neuf, mon absence de jugement était une vraie branche pour eux, à laquelle ils pouvaient s’accrocher avant de se noyer. »

 

soutienAssistante sociale, c’est une profession qui fait partie d’une catégorie à part : une écrasante majorité de femmes, des travailleuses que l’on admire et que l’on déteste à la fois, celles dont on a l’impression qu’elles ont toujours existé et qu’elles existeront toujours, comme si finalement, le monde ne pouvait pas tourner sans elles. « Les gens nous abordent de deux manières radicalement opposées », s’amuse Claire, une amie de Cyrielle qui poursuit les mêmes études qu’elle. « Soit ils te vouent une haine sans nom parce que tu représentes une menace, celle de perdre la garde de leurs enfants par exemple, ou parce que tu incarnes la fille qui se mêle de leurs affaires alors qu’ils n’ont rien demandé. Dans ces cas là, il faut s’accrocher, les gens peuvent être d’une violence inouïe… Soit ils te regardent au contraire comme l’ultime secours, la bouée, celles qui arrive alors que tout semblait perdu, et tu dois tout faire à leur place, ils se reposent entièrement sur toi. Là, le risque, c’est de devenir leur nounou, il faut faire attention… Dans tous les cas, les rapports sont toujours très compliqués, il faut trouver la juste distance, la bonne place, ne pas en faire trop, ne pas en faire trop peu. C’est un challenge pour chaque nouveau dossier. »

 

socialElles sont dans les hôpitaux, les centres sociaux, les centres éducatifs, les prisons, les DDASS (Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales), les PMI (Protection Maternelle et Infantile), au 115, à la Croix Rouge, dans les associations carritatives, les organisations humanitaires… Elles sont partout, les assistantes sociales, et pourtant, c’est une profession que l’on remarque si peu. D’ailleurs, elles refusent qu’on les prenne en photo, elles ne veulent pas être perçues comme des fanfaronnes auprès de leurs futurs interlocuteurs. « Peut-être parce que chez nous, la discrétion est un savoir-faire », s’amuse Clotilde, qui vient de rejoindre le petit groupe d’étudiantes à la pause déjeuner. « Quand vous arrivez pour les aider, les gens vous regardent forcément de travers. Vous débarquez dans leur vie, c’est vécu comme une intrusion. Et c’est justement à force de leur montrer qu’on peut être efficaces et utiles, sans pour autant prendre trop de place ni leur faire honte, qu’ils finissent par vous accorder leur confiance et une petite place dans leur vie. » Les assistantes sociales n’ont pas un quotidien rose tous les jours. Elles fréquentent  le plus souvent des familles en pleine explosion, des enfants déjà vieux à force de souffrir, des paumés, des exclus, des perdus, des solitaires, des personnes âgées qui n’existent plus pour personne, des prostituées, des femmes battues, des sans-abri tellement à bout qu’ils ne savent plus comment remonter la pente, des malades en fin de vie, des demandeurs d’asile affolés… Pas toujours évident, surtout quand on est jeune et qu’on commence dans le métier.

 

enfants« C’est là qu’on se rend compte à quel point la solidité de l’équipe est importante », analyse Nathalie, 26 ans, fille d’une assistante sociale et d’un médecin, et qui a préféré choisir la même voie que sa mère au bout de plusieurs années en fac de médecine, réorientation mûrement réfléchie… au grand dam de son père qui la voyait déjà toubib ! « Lors des stages qu’on effectue tout au long de nos études, on s’aperçoit que les équipes de travailleurs sociaux sont parmi les plus solides de tous les corpus de la santé. On se serre les coudes à fond, c’est indispensable pour ne pas se laisser totalement bouffer par le malheur des autres. Ce n’est pas un métier sadomasochiste, on s’y colle parce qu’on aime ça, ce sont des rencontres uniques, hyper enrichissantes, on se sent utile et la reconnaissance des démunis vaut mieux que tous les sourires crispés de bourgeois bien-pensants », s’enflamme la jeune étudiante. « N’empêche que parfois, quand on se retrouve avec un enfant meurtri de coups, bleui à force d’avoir été frappé, ou avec des membres cassés, on a juste envie de défenestrer les parents responsables, ou de partir pleurer dans un coin. La façon dont les collègues vont vous entourer dans ces moments là est déterminante ».

 

aideLa mission essentielle de l’assistante sociale ? Sur le papier, faciliter les formalités à effectuer pour toutes les personnes qu’elles aident, pour l’obtention de prestations et d’aides de tous types : administratives, sociales, financières… En réalité, leur rôle va bien au-delà. Elles sont à la fois médiateur, psychologue, éducateur, et tant d’autres casquettes encore… Le tout, pour un salaire correct mais qui ne va pas non plus chercher très loin. « Je sais qu’en début de carrière, je toucherai environ 1600 euros par mois, dans les 2300 en fin de carrière », confie Cyrielle, tout sourire. « Mais je m’en fiche. J’ai conscience que c’est un salaire un peu nul pour tous les risques qu’on prend, dans des milieux parfois violents, mais aussi au regard de la justice, à chaque fois qu’on fait un signalement par exemple, ou qu’on aide quelqu’un à monter sa plainte, son dossier. Quand on aide une femme à se soustraire à son mari violent, quand on se prend de plein fouet la hargne de parents qu’on a désignés aux services compétents parce que leur enfant n’a pas l’air d’aller bien, quand on subit les remontrances des enfants de personnes âgées quasiment abandonnées, dont la progéniture ne se souvient que quand il y a besoin d’un chèque ou d’un virement… Mais je ne fais pas ça pour l’argent, sûrement pas. Je fais ça parce que ça me nourrit. Un métier passion on vous dit ! ». On ne demande qu’à les croire… A les écouter, on aurait presque envie de se reconvertir !

 

 




1 commentaire

Cyrielle le 19 mars 2014

Merci pour ce super article sur notre profession méconnue… Mes amies et moi avons été ravies de vous faire partager notre passion que vous avez très bien retranscrite. Si d’autres futures (ou déjà) assistantes sociales pouvaient témoigner, ce serait top, on manque de bras dans ce métier il faut susciter les vocations 🙂

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