Burn out, détresse professionnelle : un observatoire de la souffrance au travail pour les soignants

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Cela fait des années qu’ils expriment, dans la rue ou les médias, mais aussi par leurs actes et leurs absences (le taux de suicide et de burn out des personnels médicaux a explosé depuis dix ans), leur malaise au travail : les soignants en France vont mal, de plus en plus mal, pour des raisons multiples mais dont on connaît par cœur les deux ou trois principales : la réduction des budgets et des effectifs, des conditions de travail dégradées en conséquence, et pourtant, un immense sentiment d’incompréhension et un manque cruel de reconnaissance de la part de leurs hiérarchies, de leurs tutelles et de leur ministère.

 

Face à ce constat, une association, l’APH (Action Praticiens Hôpital) a décidé de lancer son propre observatoire de la souffrance au travail, entièrement dédié aux professionnels de santé. Il regroupe tous les principaux syndicats du secteur, une dizaine au total, et s’est donné pour mission de procéder à un repérage plus efficace des soignants en détresse dans leur quotidien au travail, et de les aider au mieux : « depuis 2003, les médecins hospitaliers et les personnels de santé des hôpitaux souffrent d’une vraie pénurie de personnel, et il y a une fuite d’attractivité pour les jeunes médecins hospitaliers qui n’ont pas envie de venir, et pour les anciens médecins hospitaliers qui veulent partir. Il y a à la fois une vraie crise démographique à l’hôpital, et une vraie crise morale. Les soignants ne vont pas bien », a expliqué devant la presse Nicole Smolski, présidente d’honneur d’APH et présidente de l’intersyndicale Avenir Hospitalier. « Les conditions de travail se dégradent, les médecins, les dentistes, les pharmaciens, et l’ensemble des équipes avec eux, vivent de plus en plus des situations indésirables et évitables, qui peuvent devenir dramatiques ».  

 

D’après l’APH, certaines professions requièrent une vigilance particulière, dans la mesure où elles sont plus encore touchées que d’autres : « les urgentistes, les anesthésistes ou encore les psychiatres », selon Jacques Trévidic le président d’APH. « Mais aussi les pharmaciens, les biologistes, et certains médecins spécialisés comme les gériatres ou les chirurgiens ». D’après un questionnaire soumis à l’ensemble des professionnels du monde de la santé, ces professions seraient celles où l’on avoue le plus volontiers une envie de démission ou de reconversion. En cause ? « Un travail en équipe dont la qualité s’est dégradée, le sentiment de ne pas pouvoir s’occuper aussi bien ou aussi longtemps qu’on le voudrait de son patient, une faible reconnaissance salariale ou hiérarchique, avoir le sentiment d’effectuer des tâches qui ne relèvent pas de sa profession, travailler souvent la nuit, et au final un sentiment important d’épuisement physique et psychique, mais aussi émotionnel, qui engendre des troubles du sommeil, d’anxiété, et un syndrome dépressif », explique Nicolas Combalbert, auteur du livre « la souffrance au travail : comment agir sur les risques psychosociaux » publié chez Armand Colin. Selon les données recueillies depuis 7 ans, dans 9 cas sur 10 la souffrance au travail chez les soignants s’explique par un conflit avec la hiérarchie, puis par la surcharge de travail.

 

La méthodologie de ce nouvel Observatoire pour être efficace ? Une sorte de cartographie nationale, mais aussi régionale, des établissements de soins où le personnel de santé est en souffrance, et une mesure de l’échelle de cette souffrance. « Il s’agit de débusquer les situations où la pression managériale est trop forte par exemple, où les actes médicaux sous évalués et donc mal reconnus, ce qui induit la souffrance du praticien », explique l’APH. « Les regroupements hospitaliers de territoires seront aussi surveillés de très près, parce qu’ils créent par définition des souffrances, avec des établissements qui ferment, des personnels contraints de déménager ou de faire davantage de route pour se rendre au travail, un déracinement, une perte de repères, l’éloignement de ses collègues parfois. Et une relation à recréer avec une nouvelle hiérarchie, dans des structures forcément plus grandes, très grandes, où on fonctionne comme dans une entreprise, avec une notion de rentabilité qui heurte très fréquemment la notion de soin des personnels de santé et leur vocation à venir en aide aux patients d’une manière plus philanthropique que soucieuse de rentabilité ».

 

 




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