Chômage et santé : deux problèmes intimement liés

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pole_emploiA 24 ans, Corine vit depuis un an avec un peu plus de 400 euros par mois. Pour elle, pas de doute : son état de santé s’est considérablement dégradé avec le chômage. « Je suis complètement déprimée, même dépressive si j’en crois la définition médicale du terme », explique-t-elle. « Je sens que j’ai besoin d’aide car je suis complètement dépassée, sans aucune combativité, je vois les problèmes s’accumuler et je me sens débordée, du coup je reste au lit devant la télé, rien ne m’intéresse alors que je devrais rédiger des lettres de motivation et tout…. ».

depressionPerte de sommeil, d’appétit, de confiance et d’estime de soi, mais aussi des douleurs : si les études sur le sujet sont rares, de plus en plus de professionnels s’accordent à dire que la santé des chômeurs devient un problème public de plus en plus criant. Alors que nous venons de dépasser le record du nombre de demandeurs d’emploi de 1997, les chiffres sont alarmants par rapport au reste de la population. Un chômeur sur trois déclare ressentir plus souvent des douleurs. « Moi qui avait très rarement mal au ventre, j’ai des nœuds », soupire Dyenaba, 33 ans. « Il y a un stress qui monte et je commence à trembler, ça m’arrive de plus en plus souvent et je ne peux pas me contrôler. »

recherche_emploiPire, une personne sur 10 souffre d’un épisode dépressif majeur. « Je suis chômeur depuis plusieurs années », raconte Jean-Simon. « J’enchaîne les périodes de petits boulots et le vide intersidéral, c’est beaucoup d’angoisse. J’ai consulté un psychologue dans le centre médico-psychologique de ma ville, mais elle m’a proposé des anxiolytiques et je n’ai pas supporté ». « Mon mari est au chômage depuis un an et vit mal cette situation », se plaint Lorlei. « Il n’a plus de vie sociale, il est homme au foyer et vit cela comme une dévalorisation, une impuissance qui va jusqu’aux troubles sexuels. Le savoir réduit à passer sa journée devant l’ordinateur, à faire des courses, passif, me torture aussi et je suis en souffrance, également, même si j’ai un travail. La question de l’argent, des fins de droits, de l’avenir, nous mine tous les deux et a des répercussions sur nos enfants ».

« Je ne connais personne qui se retrouve au chômage et qui n’ait pas assez rapidement des répercussions au niveau de sa santé, de son moral… », estime Jean-Baptiste Willaume, directeur de la Maison des Chômeurs à Nanterre. « C’est la manifestation d’un mal typique de notre époque, qui s’aggrave avec la crise économique et qui fait de plus en plus de dégâts. Le surinvestissement dans la vie professionnelle, lié à la perte de se retrouver sur le carreau comme tant d’autres, aboutit à une dépression souvent fulgurante le jour où cela arrive vraiment ».

agence_pole_emploi« Je suis moi aussi au chômage malgré un bac +5, et je comprends très bien les gens qui se suicident à force d’attendre et d’espérer, ou plutôt de désespérer », estime Philippe. « Le chômage, ça démolit ». Les demandeurs d’emploi les plus diplômés sont souvent ceux qui plongent le plus rapidement dans la dépression. Avec le sentiment d’avoir fait tout ce qu’il fallait pour s’en sortir dans la vie, et d’être en échec malgré tout. Anxiété, dépression, moral en berne, manque de confiance, faible sens de l’autonomie personnelle, insatisfaction chronique, troubles de l’humeur… sont autant de maux dont souffrent les chômeurs, de nos jours. Avec, pour conséquence, très fréquemment, un divorce, un surendettement, une tendance à boire, etc. La spirale infernale.

« Cependant, les effets ne sont pas homogènes », souligne Martine Roques dans une thèse consacrée au sujet. « Tous les individus ne sont pas affectés de manière similaire, certains souffrent plus que d’autres, en fonction de leur âge, de leur sexe, de leur patrimoine familial, de leur épargne, de leur entourage social et familial, de leur foi dans une religion, etc… Il y a même quelques personnes pour lesquelles la santé psychologique s’améliore, parce qu’elles vivaient une pression insoutenable dans leur précédent travail. Mais elles sont rares. »

suivi_psychologiqueLes professionnels de santé appellent donc aujourd’hui à une vraie prise en main du problème par les pouvoirs publics. Davantage de structures spécialisées et gratuites, remboursées par la sécurité sociale, où des psychologues, des psychiatres, des médecins seraient spécifiquement qualifiés pour traiter du problème du chômage sur tous ses aspects, moral, mental, social et bien sûr physique. « Non seulement ils n’ont plus de travail, mais sur le plan de la santé publique ils sont abandonnés. Personne ne sait, sur le plan médical, ce que devient un chômeur », analyse Michel Debout, psychiatre. « Il faut plus de spécialistes, avec une connaissance accrue des dégâts particuliers liés au chômage », plaide-t-il. «  En perdant leur travail, ces hommes et ces femmes perdent tous leurs repères. Pour les hommes, c’est parfois plus dur parce qu’on leur a souvent appris qu’un homme doit être fort, subvenir aux besoins de sa famille, d’assurer sur tous les points. Il faut des spécialistes, des coaches, qui pourront travailler avec les chômeurs sur les grands chamboulements de leur vie liés à la perte de l’emploi ».

aide_psychologiqueJustement, de nombreux psychologues sont eux-mêmes au chômage, et en souffrance. « Le vivier est là, pour monter des équipes spécialisées sur ce mal moderne, et le traiter d’autant plus efficacement qu’ils l’auront vécu de l’intérieur ! » argumente Sophie, 26 ans, qui vient d’obtenir son diplôme et ne trouve pas de travail. « Je réfléchis moi-même, avec des camarades de ma promotion, à créer une structure associative qui aide ces gens à se reconstruire. Mais comme ils n’ont pas les moyens de nous payer, il faut absolument que le ministère de la santé et celui du travail mettent en œuvre des dispositifs pour nous subventionner ». Et si la clé du problème était là ? Redonner du travail aux spécialistes qui n’en ont pas, et par là même offrir une nouvelle écoute et un nouveau soutien aux chômeurs démunis ?

 




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comment soigner une gastro le 6 févr. 2018

Merci pour cet article

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