Don du sang et homosexualité : la polémique
0 commentaire Marie MEHAULT
13 mai 2015Aujourd’hui, quand on veut donner son sang, on commence par remplir une longue fiche de renseignements. Qui s’achève par cette question : « avez-vous eu des relations sexuelles entre hommes ? »… si la réponse est « oui », votre sang n’est pas accepté. Ce refus de principe, Maxime G. y a été confronté lorsqu’il était jeune étudiant en médecine. Il avait 19 ans, une homosexualité encore difficile à assumer, l’expérience l’a littéralement traumatisé : « J’étais encore beaucoup dans la culpabilité, dans un questionnement personnel, je me demandais si j’étais normal, si le choix que je faisais de ma sexualité était bien, ou mal, et de me voir dire que c’était interdit par la loi de donner mon sang parce que j’étais homosexuel, ça m’a ramené à une vision très noire et culpabilisante de mon homosexualité ».
Un choc, une souffrance, et un sentiment d’injustice qui ont convaincu l’Assemblée Nationale de voter, dans le cadre de la loi santé, la fin de cette exclusion systématique des homosexuels du don du sang. Une position satisfaisante pour de nombreux militants, même si de nombreuses questions sont encore sans réponse. « Symboliquement, c’est bien sûr une décision extrêmement forte », estime François Berdougo, porte parole du collectif associatif Inter-LGBT. « L’Assemblée Nationale a dit qu’on ne pouvait pas exclure quelqu’un du don du sang, du fait de son homosexualité. C’est très bien, mais maintenant, il faut régler la question de définir les conditions dans lesquelles aujourd’hui on peut donner son sang, en tenant compte des comportements sexuels et de prévention qu’on a vis-à-vis du VIH. C’est ce travail là qui doit être entamé aujourd’hui ». De son côté, la Cour de Justice de l’Union Européenne encourage elle aussi l’évolution de la France sur la question, estimant que « même si la situation épidémiologique pourrait justifier l’exclusion totale de la population homosexuelle masculine, il faut vérifier qu’il n’existe pas d’autres moyens, moins contraignants, qui permettraient à certains homosexuels et bisexuels de donner leur sang ».
Car le problème du don du sang pour les homosexuels, reste celui du sida. Les hommes ayant des relations avec des hommes ont 200 fois plus de risques que les hétérosexuels d’être contaminés ! Le danger, c’est lorsqu’ils sont prélevés dans les jours qui suivent leur contamination. Le virus est alors indétectable, et transmis inéluctablement au receveur. Au nom de la sécurité de la transfusion, des mesures doivent donc être prises rapidement pour encadrer les nouvelles dispositions de la loi. « Il faut que les campagnes d’information soient faites de telle manière que chacun comprenne immédiatement quels sont les enjeux, et pour que chacun soit responsabilisé. S’il y a eu un comportement à risque récent, il doit être clair et évident pour tous qu’il ne faut alors surtout pas se présenter au don du sang. Et pour ceux qui se seraient quand même présentés au don du sang, parce que parfois les risques ne sont pas évidents, parfois ils sont sous-estimés, parfois ils sont mal compris… alors, dans ce cas, il doit y avoir un temps suffisant d’entretien avec le médecin, et une formation adéquate du médecin, pour que la personne réalise qu’elle peut, potentiellement, faire plus de mal que de bien en donnant son sang, et réalise qu’elle a eu des comportements à risques et que, non seulement elle ne doit pas donner son sang, mais que surtout, elle doit elle-même se faire dépister le plus vite possible », explique Jean-Claude Ameisen, Président du Comité Consultatif National d’Ethique, qui vient, de son côté, de présenter un avis selon lequel il est préférable de continuer d’exclure les homosexuels du don du sang en France. Un choix qui scandalise évidemment les associations LGBT.
L’enjeu aujourd’hui, c’est donc de trouver la solution qui convienne à tous, permettre d’augmenter les collectes de don, dont la pénurie reste criante en France, respecte les droits des homosexuels à ne pas être discriminés, sans pour autant mettre en danger une population de transfusés déjà fragile. Trouver, donc, un moyen de garantir la protection de la santé publique et des receveurs, tout en permettant aux mentalités d’évoluer favorablement quant aux droits des homosexuels : « il y a 3 000 nouvelles infections par an chez les homosexuels en France », précise Josiane Pillonel, épidémiologiste à l’Institut National de Veille Sanitaire (InVS). « La prévalence, c’est-à-dire la proportion de personnes porteuses, est estimée entre 8 et 20 % dans cette population. »
Dix des 28 pays de l’Union Européenne ont abandonné, eux aussi, l’exclusion permanente des homosexuels, du don du sang. Ils l’ont remplacée par une exclusion de quelques mois. Concrètement, les donneurs ne doivent pas avoir eu de relation sexuelle pendant cette période. La France pourrait suivre cette voie. Un arrêté ministériel est attendu dans ce sens. Outre-Atlantique, l’Agence Américaine des Médicaments (FDA) vient tout juste de recommander de supprimer l’exclusion à vie pour les homosexuels et les bi-sexuels (hommes) de donner leur sang. Elle a préconisé, hier, mardi 12 mai 2015, de la remplacer par une obligation d’abstinence sexuelle d’un an, avant de pouvoir participer au don. L’Australie expérimente d’ailleurs cette formule depuis 5 ans, et les résultats sont extrêmement encourageants : le risque de contamination après une transfusion sanguine n’a pas augmenté depuis que l’abstinence d’un an a remplacé l’interdiction à vie, pour les homosexuels désireux de donner leur sang.