Faut-il « laisser partir » Vincent Lambert ? Les médecins plus que jamais divisés sur la question

Temps de lecture : 6 minutes

4L’épouse de Vincent Lambert, puis son neveu, ont été reçus ce mercredi 15 juillet 2015 au CHU de Reims, dans la matinée. Le reste de la famille a été reçu dans l’après midi : à chacun, l’équipe médicale devait donner de nouveaux éléments d’information pour évoquer la nouvelle procédure d’arrêt des traitements prévue, en ce qui concerne Vincent Lambert, mais les clans sont tellement divisés qu’il a été jugé préférable de les recevoir séparément. D’un côté, l’épouse et le neveu de Vincent Lambert, favorables à un arrêt des soins, et qui disent ne plus supporter l’acharnement thérapeutique ; de l’autre, les parents de Vincent, qui refusent obstinément l’idée que l’on puisse cesser de maintenir en vie artificiellement leur fils chéri. Car le 5 juin 2015, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a validé l’avis du Conseil d’Etat français, en parlant « d’obstination déraisonnable au maintien en vie de Vincent Lambert ». Le CHU de Reims doit donc aujourd’hui démontrer à la famille que le patient est incurable.

 

viviane lambert maman de Vincent

Viviane Lambert, maman de Vincent

Les uns, comme les autres, sont déterminés à aller au bout de leur démarche, si contraires soient-elles. Quelle que soit l’issue, la justice n’a pas fini d’entendre parler de ce lourd et tragique dossier : « l’équipe médicale a déjà annoncé qu’elle allait arrêter les traitements, ce serait donc totalement illégal s’ils prenaient maintenant une décision différente, dans ce cas là nous les attaquerions puisque l’autorité de la chose jugée fait qu’aujourd’hui, les médecins n’ont pas le droit d’aller contre l’arrêt du Conseil d’Etat ni contre la décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme », expliquait ainsi François Lambert ce mercredi 15 juillet au matin, juste avant d’être reçu. Au même moment, Viviane Lambert, la mère de Vincent Lambert, sur les ondes des grandes radios nationales, pleurait presque de rage et d’épuisement : « C’est simplement une affaire politique, rien de plus, on se sert de Vincent pour faire passer la loi sur l’euthanasie, c’est tout. Et moi je refuse que l’on se serve de mon fils. Je suis là, je suis sa maman, je l’ai porté, je l’ai mis au monde, et il est hors de question que je baisse les bras. Qu’on me le donne, si on ne veut plus s’occuper de lui, qu’on me le donne ! ».

 

5Le lendemain, jeudi 16 juillet 2015, l’avocat des parents saisissait d’ailleurs à nouveau la justice, portant plainte contre le CHU de Reims, contre l’ancien chef du service de soins palliatifs où est hospitalisé Vincent Lambert, contre la chef de service qui lui a succédé, contre un troisième médecin du CHU, pour « tentative d’assassinat et mauvais traitement », et enfin contre l’épouse de Vincent, Rachel Lambert, pour « faux témoignage, faux et usage de faux ». Ce qu’ils réclament aujourd’hui : que Vincent soit transféré dans un autre établissement. « Les parents de Vincent tenteront tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter l’arrêt de traitement de leur fils. Nous estimons que le CHU de Reims n’a aucun droit de retenir un patient », explique maître Jean Paillot, l’un des avocats de Pierre et Viviane Lambert, les parents.

 

droits_hommePrès de Strasbourg, à Oberhausbergen, un lit est déjà disponible pour Vincent Lambert dans l’unité spécialisée pour patients en état végétatif chronique de la maison de santé Amreso-Béthel. Le chef de service qui la dirige, le docteur Bernard Jeanblanc, accompagne les parents de Vincent dans leur marathon judiciaire depuis des mois, et se dit farouchement en désaccord avec les choix des médecins qui ont porté la procédure de fin de vie de Vincent : « ce sont des patients à conscience minimale, certes, mais ce sont des personnes. Elles sont toutes passées par un stade de coma gravissime, dont ils sont sortis mais avec des séquelles lourdes. Il est donc clair que ces patients ne sont plus dans le coma, mais dans un état d’éveil, avec des cycles de veille et des cycles de sommeil. On peut les considérer si on veut comme des échecs de la médecine, mais en tout cas, il est clair que nous avons la charge de prendre soin de ces personnes qui ne sont pas malades, qui sont handicapées mais en très bonne santé, avec une espérance de vie longue. Certes, ils ont des lésions irréversibles, mais ils n’en sont pas moins pour autant vivants et avec nous. Ce sont des personnes en situation de handicap qui méritent qu’on s’occupe d’elles comme on s’occupe de n’importe quel autre handicapé. Arrêtons de dire que ce sont des patients en fin de vie alors que leur espérance de vie est longue et qu’ils ne souffrent d’aucune maladie. J’ai un lit disponible pour Vincent, je le bloquerai jusqu’à ce qu’une décision soit prise. Je reste confiant dans un sursaut d’humanité. Je rappelle que le Conseil Consultatif National d’Ethique, sollicité par le Conseil d’Etat, a indiqué que l’absence objective de conscience ne veut pas dire absence de conscience. Tout soignant qui prend en charge ces patients doit avoir cela en tête. Point. »

 

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Vincent Lambert

Le 10 juin déjà, une vidéo mise en ligne sur internet montrait Vincent Lambert sur son lit d’hôpital. Les partisans du maintien en vie de Vincent Lambert ont voulu prouvé que ce dernier montrait des signes d’inconfort ou de confort, d’impatience ou de satisfaction, des mouvements du visage, un langage du corps qui, selon le professeur en neurologie du CHU de Nancy Xavier Ducrocq, autre spécialiste de la fin de vie et conseiller des parents de Vincent Lambert, « prouvent qu’on ne peut pas dire qu’il est mort, en coma végétatif ou en vie biologique. C’est inadmissible de pouvoir dire cela, et les médecins qui prétendent cela ne sont pas les spécialistes qu’ils prétendent être. On ne peut pas laisser colporter des informations aussi fausses que cela ».

 

Dr Eric Kariger

Dr Eric Kariger

Dans le collimateur des médecins-conseils de Pierre et Viviane Lambert ? Le docteur Eric Kariger, ancien chef du service de soins palliatifs du CHU de Reims, qui a initié la procédure de fin de vie de Vincent. Auteur de l’ouvrage « Ma vérité sur l’affaire Vincent Lambert », aux éditions Bayard, il explique : « C’est une expérience qui marquera mon existence jusqu’à la fin de mes jours, mais je veux témoigner du fait que le cas de Vincent a consolidé l’image que j’avais de mon métier, un engagement au service d’une médecine de l’homme, une médecine équilibrée entre un savoir technologique et une puissance médicale qui n’a jamais été aussi forte, et le fait que le médecin a aussi vocation a prendre soin, à faire du juste soin, et à décider de la mort quand il faut respecter le fait qu’une vie prend fin, qu’un patient a aussi le droit de partir. Je suis animé de la même foi chrétienne que les parents de Vincent, je revendique farouchement le droit fondamental à la vie, mais je suis également soumis à mes devoirs déontologiques de médecin, à mes obligations hippocratiques, qui me demandent de ne pas m’obstiner, de reconnaître les limites de la médecine et le droit d’un patient à partir. Vincent est un martyr, parce qu’il est condamné à vivre une vie qui n’est pas la sienne, une vie qu’il n’aurait pas souhaitée, et c’est une souffrance forte qu’on lui inflige, même si les experts ont confirmé qu’il n’a plus conscience de ce qui lui arrive. Lui-même en tant qu’infirmier était un ‘acharné contre l’acharnement’, il détestait l’acharnement thérapeutique ».

 

Rachel Lambert femme de vincent

Rachel Lambert femme de vincent

Le docteur Eric Kariger, qui, pendant les 6 années durant lesquelles il s’est occupé de Vincent, a toujours considéré que seule Rachel Lambert, l’épouse de Vincent, était à même de prendre les décisions concernant son mari. Aujourd’hui, Rachel est partie refaire sa vie en Belgique. « Dans la mesure où elle ne s’occupe plus de Vincent depuis deux ans, nous allons faire valoir que seuls Pierre et Viviane Lambert, ses parents, ainsi que le demi-frère de Vincent, David, peuvent prétendre être les protecteurs naturels de la famille », explique encore Maître Paillot. Le sort réservé à Vincent Lambert devrait être connu d’ici au jeudi 23 juillet 2015 à 11 heures, date à laquelle la chef de service des soins palliatifs du CHU de Reims, le docteur Simon, devrait à nouveau recevoir la famille, pour « l’informer des conclusions de la procédure collégiale menée et de la décision prise quant à un éventuel arrêt des soins fournis à Vincent Lambert ».

 

 




3 commentaires

WADIN le 3 nov. 2015

Recentrons nous , s’il vous plaît, sur le fil conducteur de cette procédure médiatisée qui est Vincent !!! Qu’en est-il de la Loi du 04 Mars 2002 quant aux droits du patient !!!???
Vincent était infirmier , contre l’acharnement thérapeutique , ce qui est confirmé par l’épouse et des collègues de travail, il n’aurait donc pas voulu de cette vie réduite à un état de dépendance totale , neuro-végétative , respectons le , tout simplement !
En parallèle, je comprends les parents pour qui il est inconcevable de laisser  » partir  » un enfant ! Chacun est dans l’interprétation qu’est la sienne des regards de Vincent , pourquoi ne pas s’en tenir au regard que lui -même portait sur ces gens devenus ce qu’il est aujourd’hui ??? Que la mère dise  » c’est mon enfant , rendez le moi !  » , porte atteinte à l’intégrité de cet enfant qui reste un être humain dans son entité , et non  » un objet de soin » ,  » une chose  » que la mère veut se réapproprier » ! Puisse-il enfin partir dignement si tant est qu’il a encore sa dignité !…..

SHA le 3 août 2015

pour ma part je comprends son épouse et son neveu , les intégristes ne sont pas tous Musulmans loin de la!

OPINION le 2 août 2015

Les médecins ne savent pas tout de la vie ou de la mort…. Il y a tellement de cas qui sortent des lignes de leurs affirmations….

Je comprends la maman…

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