Intoxications au monoxyde de carbone : le combat des soignants

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Chaque année en France, plus de 8000 personnes, dont 2500 enfants en bas âge, sont empoisonnées par un ennemi invisible et inodore : le monoxyde de carbonne. En hiver, c’est la première cause de mortalité par intoxication. Ce gaz, qui se forme lorsque la quantité d’oxygène présente dans l’air diminue, alors qu’il y a une combustion en cours (exemple, une pièce mal ventilée associée à un chauffe-eau défectueux), est totalement indétectable. Et c’est ce qui le rend si dangereux : il entre dans les poumons par les voies respiratoires, et prend la place de l’oxygène dans le sang… Petit à petit, la victime ressent des maux de tête, des vertiges, des nausées, un état euphorique ou éventuellement des vomissements. Puis, survient une torpeur incontrôlable, qui finit par entraîner la mort.

 

test chauffe eau Il est donc extrêmement difficile d’en réchapper, dans la mesure où le monoxyde de carbone provoque cet état de sommeil qui empêche la victime de lutter, ou lui retire les forces nécessaires pour ouvrir une fenêtre, ou sortir de la pièce. Si cela survient la nuit, pendant que les victimes dorment, l’intoxication est le plus souvent fatale à des familles entières. Quatre décès sur 5 surviennent d’ailleurs avant l’arrivée des secours, la majorité des intoxications étant liées à des systèmes de chauffage défectueux. Mais il arrive aussi fréquemment que soient touchés des enfants laissés dans une voiture en marche pendant le déneigement du véhicule, par exemple. On l’ignore trop souvent, mais 10 minutes suffisent pour intoxiquer un jeune enfant assis dans une auto dont le moteur tourne. Ce type de victime peut déjà plus facilement être secourue à temps. S’engage alors, pour les équipes médicales, une véritable course contre la montre.

 

Lorsque qu’ils interviennent et suspectent une intoxication au monoxyde de carbone, les pompiers ou le Samu effectuent d’abord un prélèvement sur site à l’aide d’un détecteur. Cela permet d’évaluer le taux de CO présent dans la pièce et de conforter le diagnostic d’intoxication. Chaque véhicule de secours (SMUR et pompiers) est également équipé d’un détecteur capillaire, une petite pince que les secouristes placent au bout du doigt de la victime et qui va calculer le taux de monoxyde dans le sang. En fonction du résultat, les équipes décident de transporter la victime à l’hôpital, où une prise de sang va à nouveau être effectuée pour indiquer plus précisément le degré d’intoxication.

 

C’est seulement en fonction de ces résultats que le traitement sera décidé par les médecins. Dans les cas les moins graves, une oxygénothérapie par masque de 12 à 24 heures suffit. En revanche, s’il existe des signes cliniques (maux de tête, vomissements, somnolence, coma) ou s’il s’agit d’enfant ou d’une femme enceinte, Sans titre2l’équipe soignante décidera la mise en place des victimes sous caisson hyperbare, pour une ou plusieurs séances. L’oxygénothérapie hyperbare (OHB) est une thérapeutique très spécifique, irremplaçable dans le cas d’une intoxication au CO. Mais sa mise en œuvre nécessite des moyens techniques tout à fait particuliers, au niveau du matériel et du personnel soignant. On administre au patient de l’oxygène pur ou mélangé à des gaz vecteurs (hélium, azote, gaz carbonique), à une pression partielle deux à trois fois supérieure à la pression atmosphérique. Cette méthode peu connue du grand public permet pourtant une bonne réversibilité physique des effets délétères du CO. Il existe plusieurs centres en France.

 

prog62883,43 L’ensemble de l’équipe soignante doit être formé pour être « hyperbariste » ce qui garantit une bonne connaissance des indications de l’hyper oxygénation en ambiance hyperbare, des protocoles d’utilisation du caisson en fonction des différentes utilisations, de la surveillance des patients « en plongée » et la capacité d’intervenir en urgence dans le caisson si la situation l’exige. Le médecin chef de service décide du protocole et s’assure de la bonne surveillance du patient. Un manipulateur installe le patient, lance la « plongée », surveille les paramètres en cours d’opération, en gère chaque étape et s’occupe de la « remontée » en fonction des protocoles. Enfin, un infirmier fait les pansements, prépare et pose les perfusions, lorsque le protocole indique une injection de vasodilatateur et de corticoïdes, par exemple. Le nombre de séances varie en fonction de la gravité de l’affection et de la bonne réponse au traitement : certains patients peuvent subir jusqu’à 200 séances avant guérison complète !

 

Mais parfois, celle-ci ne survient pas, car les dégâts sur la victime sont trop importants pour lui éviter des séquelles graves. « Si le dépistage est précoce, il n’y aura pas de séquelles en l’état actuel des connaissances », explique le professeur Vincent Danel, toxicologue prog63010,2au CHU de Grenoble. « Par contre, s’il y a eu troubles de conscience, voire un état de coma, on pourra malheureusement observer des séquelles neurologiques, neuropsychiatriques au-delà de la guérison. L’organe le plus atteint par le monoxyde de carbone c’est essentiellement le système nerveux central, donc le cerveau, le myocarde, le cœur, en particulier chez les personnes âgées, et puis le fœtus chez la femme enceinte, qui peut être très gravement atteint alors que sa mère ne présente que des troubles légers. ». Troubles du comportement, confusion mentale extrême, divagation, perte de mémoire, paralysies, tremblements compulsifs peuvent faire partie de ces séquelles.

 

On rappellera donc que le préventif reste la meilleure des protections. Il est plutôt simple de se prémunir d’une intoxication au CO. Faites vérifier, chaque automne avant de les remettre en route, vos appareils de chauffage : poêle à charbon, cheminée (absence de fissure), chauffage au mazout, chauffe-eau au gaz… et si vous ne l’avez pas fait à l’époque, faites le maintenant : mieux vaut tard que jamais ! Faites également vérifier la ventilation des locaux où se situe l’appareil, et notamment le système d’évacuation des gaz vers l’extérieur. Par ailleurs, pensez à passer chez le garagiste pour vérifier que les tuyaux d’échappement des véhicules appelés à être garés dans un local fermé, sont en bon état. N’utilisez jamais des appareils pour un autre usage que celui pour lequel ils sont prévus. Enfin, quelle que soit la température extérieure, aérez votre logement quotidiennement pendant au moins dix minutes.

 

 




1 commentaire

thibault le 9 janv. 2014

Merci à nos amis pompiers pour leurs interventions salutaires sur ce problème. je suis travail social dans le pas de calais et franchement, on n’en peut plus de tous ces morts par intoxication à cause de poeles à mazout complètement obsolètes, de ventilations inexistantes dans des logements insalubres, de personnes qui dorment à 5 parfois dans la même pièce. Si le gouvernement faisait un peu plus pour lutter contre les marchands de sommeil et le logement insalubre ce serait aussi une façon de réduire la mortalité par intoxication au monoxyde.

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