Le ras le bol des infirmières

Temps de lecture : 4 minutes

manifestationElles sont plus de 28 000 professionnelles en colère, réunies sur les réseaux sociaux : 28 000 infirmières et aides-soignantes, qui se disent désormais « ni bonnes, ni nonnes, ni pigeonnes ». Un slogan « cash », sans pincettes, comme s’il résultait d’une colère contenue depuis trop longtemps. Et c’est vrai que finalement, jusqu’à présent, on les entendait assez peu, ces petites fourmis de la santé publique. Désormais, elles ont décidé de crier haut et fort à quel point elles aiment leur métier…. A quel point elles veulent sauver leur profession.

urgences_en_criseCar si elles remettent tout un tas de choses en question, dans leur quotidien, c’est tout sauf leur vocation. Cette dernière, elle, est toujours bien réelle, intacte, comme une petite flamme qui les fait tenir. Mais elles dénoncent aujourd’hui sans détour les mauvaises conditions de travail des soignants, pour créer une « vague blanche », comme elles disent. « Oui, je veux rejoindre ce mouvement », explique Patricia. « J’en ai marre de bosser dans de telles conditions. J’aime mon boulot et je me sens frustrée de ne pas pouvoir le faire correctement. On bosse avec des humains, pas avec des boîtes de conserve ! Alors oui, ras le bol ! »

Le mouvement, qui a donné lieu aujourd’hui à la création d’un collectif, a été initié par une infirmière parisienne, qui souhaite garder l’anonymat. Un mouvement qui regroupe « des infirmières du privé comme du public, libérales ou non, mais aussi des aides-soignantes et des auxiliaires de puériculture ». Un mouvement, qui dénonce « des conditions de travail qui mettent en danger le patient », et réclame une « revalorisation des statuts et des salaires », explique la vice-présidente du mouvement, Sarah Guerlais.

Mais avant cela, d’autres ont tenté de réveiller l’opinion publique et les politiques. Comme Céline Bordes qui, en août 2011, avait posté sur internet une lettre également adressée au Président de la République :

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« Je m’appelle Céline, j’ai 32 ans, et je vous écris pour vous faire partager la colère d’une infirmière, MA colère ». Ainsi commençait sa lettre. Aujourd’hui, Céline Bordes s’avoue surprise de l’écho que sa lettre a trouvé, et du buzz qu’elle a engendré. « J’ai écrit cela sous le coup du découragement et de l’épuisement », confesse-t-elle. « Depuis des années les infirmières en libéral sont augmentées à coup de dix centimes tous les deux ans… Moi, j’ai créé mon cabinet en 2008 dans un petit village, d’abord seule puis avec un associé. Nous étions surchargés de travail. J’ai décidé de faire un CAP d’esthéticienne et d’ouvrir mon salon de beauté, pour avoir une vie de famille et un peu de temps libre…»
Régis Ducatez, (car il n’y a pas que des femmes mais aussi de plus en plus d’hommes chez les infirmières), exerce à Lille. Sa journée commence à 6H15 le matin, il enchaine une vingtaine de visite jusqu’à midi. « Mon travail, je le vois comme un marathon quotidien, un rythme indispensable si je veux gagner correctement ma vie. Un infirmier libéral perçoit en moyenne dans les 15 euros bruts de l’heure… Pour un acte infirmier médicalisé, nous prenons environ 3 euros auxquels s’ajoutent environ 2 euros de déplacement. Mais dans la vraie vie, nous devons nous déplacer parfois loin, dans des lieux dits improbables, sur des péniches… La Caisse nous propose par ci par là des augmentations de 2%, nous nous réclamons 15%, évidemment ça leur paraît énorme et ils refusent. »

soignantsRégis, comme tous ses confrères en libéral, effectue 60 heures de travail par semaine. Et travaille un week-end sur trois. Pourtant, lui n’échangerait sa place pour rien au monde. « Ce métier est une vocation. On a ça dans les tripes. Je suis sûr qu’un jour, on finira par être reconnus. Avec la population vieillissante, la désertification médicale et les établissements de santé de plus en plus surchargés, nous deviendrons de plus en plus indispensables, dans les grandes villes comme en province. »

Sitôt un soin achevé, Régis file chez le patient suivant. « Ils sont compréhensifs, ils savent que nous n’avons que peu de temps, nous tissons souvent des liens affectifs très forts avec eux. » « Moi, je trouve qu’il n’est pas assez payé pour ce qu’il fait », renchérit la vieille dame diabétique qu’il est venu soigner. « C’est un métier vraiment prenant et ils ne tombent pas toujours sur des patients gentils ! »

Ce que ressentent tous ces infirmiers et infirmières qui témoignent, c’est ce que ressentent des centaines, des milliers de leurs collègues, amoureux de leur métier mais fatigués et anxieux. « Pourquoi notre déplacement nous est-il payé 5 fois moins qu’à un médecin ? » écrivait Céline Bordes dans sa lettre. « L’essence coûte-t-elle plus cher au médecin ? Et ainsi de suite… ».

infirmieresMais au-delà des questions financières, le collectif « ni bonnes, ni nonnes ni pigeonnes »  est aujourd’hui animé par la rage de l’impuissance, face à la dégradation des soins aux patients. Ses membres demandent des postes supplémentaires, la reconnaissance de nouvelles formations, de la pénibilité du travail, et des moyens supplémentaires pour les services. « Au moins, les réseaux sociaux nous permettent d’écrire les choses, d’être un peu plus entendues », soupire Betty, aide-soignante de 39 ans  à Bordeaux. « Je ne me reconnais plus. Je suis arrivée dans le métier avec de grandes convictions, et 4 ans après, je m’aperçois qu’en fin de compte, je suis dans la maltraitance ! Certes, je ne frappe pas les gens, mais je n’ai ni le temps ni les moyens de m’occuper d’eux correctement. En 2H30 le matin, je dois m’occuper de 14 bénéficiaires, je ne peux même plus leur faire leur toilette comme il faut. Dans la profession, on est à deux doigts du ‘burn out’. J’ai des collègues arrêtées parce qu’elles ont mal au dos, ou sont en dépression. Il faut absolument de l’argent, pour recruter dans ce secteur, et recruter beaucoup. »

 

 




10 commentaires

dréan janick le 2 juil. 2014

eh oui nous avons toutes la vocation de notre métier hors du commun !! j’ ai bossé au bloc , en libéral ( 22ans ) en EHPAD , bref , partout ; j’ ai le blues quand je pense aux conditions dans lesquelles j’ ai travaillé ; l’ amour de mon métier m’ a donné des ailes , de la force , de la réfléxion … au point d’ accepter ce que mes collègues écrivent … c’ est vrai , notre carburant n’ est pas pris en compte …pourtant , nos déplacements sont nombreux !!! contrairement aux médecins qui ne sortent plus guère de leur cabinet !! ils ont tout compris .

bel le 28 oct. 2013

Bonjour, infirmière depuis 8 ans, je suis lassée de tous les gouvernements qui ne parlent jamais de la santé. Nous ne sommes pas reconnus à notre juste valeur. Mme Bachelot s’est foutue de nous avec sa cat A, je gagne 20 euros de plus pour travailler 5 ans de plus et je perds la pénibilité des 1 an tous les dix. Donc 8 ans de plus à bosser. Certains fonctionnaires ont vu leurs salaires augmenter comme la police, la gendarmerie (militaire) (sous Sarkosy ), malgré la crise. Nous n’avons aucun avantage.

Blood Pressure le 3 oct. 2013

Infirmier depuis bientôt 3 ans déjà, j’aime mon métier il n’y a pas de doutes à avoir là-dessus… Mais je commence sérieusement à saturer. On travaille toutes et tous (et quand je dis toutes et tous j’entends aussi nos collègues AS et AP) comme des dingues avec des heures supplémentaires qui ne sont pas payées et parfois difficiles à récupérer. Par souci de discrétion professionnelle, je ne détaillerai pas mes conditions de travail, même si je sais qu’elles sont les mêmes que les vôtres. Les responsabilités sont nombreuses et une erreur peut coûter cher. Il y a la gestion du matériel et des médicaments par les commandes, l’administratif, les soins, les familles à gérer. Parfois, voire souvent un grand sentiment de solitude. Travaillant dans un service d’urgences, on essuie l’agressivité de certains patients et de certaines familles. Je comprends parfaitement leur mécontentement, mais je n’ai que deux jambes et deux bras, et ma batterie n’a pas une autonomie illimitée. Je suis infirmier, je suis un être humain également: j’ai parfois besoin de manger et d’éliminer.
Je travaille de nuit pour 1,07€ de l’heure en plus sachant que sur les 10 heures de travail, on ne me compte que à peu près 8h45 comme travail de nuit. Ca me fait moins de 10€ de prime de nuit par nuit de travail. Un passage en catégorie A qui ne fut que de la poudre aux yeux.
Lors des « heures de pointe » aux urgences les patients deviennent des numéros de box, certains compatissent, d’autres s’énervent et vont jusqu’aux insultes ou aux coups. J’aimerais avoir plus de temps à leur consacrer, mais au final je dois me contenter de passer leur faire « mal » et partir faire « mal » à quelqu’un d’autre. Pas le temps de les rassurer et de leur expliquer clairement les choses. Ces politiques qui nous gouvernent aimeraient-ils passer des heures sur ces durs brancards? Non, mais ils ont des traitements de faveur et ne voient pas que nos hôpitaux ne sont plus des lieux d’aide mais des usines à soins. Oui des usines à soins où le personnel n’est vu que comme l’ouvrier de l’ère industrielle de notre Histoire.
A tous ceux et à toutes celles qui sont aux commandes, vous qui ne voyez que le côté financier du rendement, n’oubliez pas que sans nous votre « chiffre d’affaire » ferait la tronche. Je ne conseille pas aux jeunes de faire ce métier sur un coup de tête et leur expose la dure réalité du terrain. Et quand les Grands auront épuisé leur stock de main d’oeuvre, enfin réaliseront-ils notre importance. Nous sommes en droit d’espérer. AS, AP, IDE, luttons ensemble!

Didi le 10 juin 2013

Effectivement nos conditions de travail sont misérables ! Je travaille depuis 13 ans par vocation c’est évident ! Je gagne 11 euros net de l’heure… Et oui… Je supplie mes filles de ne jamais exercer cette profession. Je pense sérieusement comme bon nombre de mes collègues à changer de profession. Nnous sommes peu payés, malmenés, corvéables à merci puis extrêmement fatigués physiquement et pour certains moralement…
Aie aie aie… Si je meurs demain mon regret serait de ne pas avoir abouti dans mon nouveau projet professionnel. A l’école on nous disait PRENDRE SOIN ! C’est aujourd’hui impossible il faut être rentable peu importe les numéros que l’on a dans les lits !!!! Quelle tristesse et restez en bonne santé surtout…

clementine le 9 juin 2013

Bonjours je suis tout à fait d’accord avec vous tous. Aide soignante depuis 3 ans je croyais au départ que tout était beau mais je ne me doutais absolument pas des réelles conditions de travail (manque de personnel, sur-chargement des services,manques de moyens …). J’aime tellement mon travail que je veux pousser ce coup de gueule car nous travaillons avec des humains et non pas avec des objets !!! Il est temps de nous écouter.

Nathalie Rochet le 9 juin 2013

J’ai bien pris connaissance de vos remarques à tous, et depuis 15 ans que je suis infirmière, je suis de plus en plus déçue de voir les conditions de soins se dégrader, et nos conditions de travail, nos salaires qui parfois ne valent pas mieux qu’un ouvrier qualifié ! Et je pense aussi aux montants des prix que payent les personnes âgées en maison de retraite, tout ce tape à l’oeil pour les faire venir , alors que l’on manque de personnel, que nos ainés ne sont pas traités comme il se devrait, que les aides soignantes sont souvent épuisées. La santé est devenu un business et le soin est bien loin derrière, et nous on trime !!!! C’est de l’exploitation à tout point de vue !
Même si j’aime beaucoup mon métier, le système arrive à m’ écœurer. Je crois que ça suffit de bosser ainsi, de se donner, de subir la hiérarchie et de devoir se taire !

caline41 le 8 juin 2013

Bonjour,
Aide soignante dans un service de dialyse lourd, avec une population de patients vieillissante, nos responsables nous parlent en chiffres et en pourcentages d’économie et ou est le patient la dedans ?
Les textes de lois donne une as pour 8 patients et une ide pour 4, mais considérant que nous sommes payé pour très peu de travail (bien entendu ils n’ont jamais mis les pieds dans le service aux heures de grand boom ! ) cet effectif va être mis à la baisse.
Nous faisons des journée de 12 heures le rythme est intense surtout pendant l’arrivée des patients en brancards ou fauteuils roulants, les branchements et débranchements des patients ainsi que leurs départs. Beaucoup de surveillance, de changes et de chutes de tension qui provoquent vomissement et relâchement des voies naturelles, de stock, de brancardage, là c’est le pompon nous allons finir nos journée éreinté. Nous sommes pour l’instant uni entre nous, mais des tensions se font sentir car nos surveillantes ne nous soutiennent pas du tout. Moralité notre travaille n’est pas du tout reconnu et nos infirmières vont devoir faire encore plus pour pallier aux manque d’aides soignantes.
J’ai choisi ce métier par vocation, je partirai de ce métier dégouté du peu de considération rencontré dans ce métier sous payé.

HAUBERT François le 8 juin 2013

Toutes ma solidarité envers les infirmières qui pratiquent un métier certes passionnant mais difficile.
Il faut recruter car effectivement, elles sont débordées de travail. Un travail qu’elles exercent sous une pression qui devient pour beaucoup insupportable.
Il est grand temps aussi de les rémunérer à leur juste valeur.

BOUBAKRAOUI Véronique le 8 juin 2013

Bravo pour vous toutes et tous, professionnels comme moi qui suis aide soignante, dans votre volonté et votre détermination de taper du point sur la table et dire STOP TROP BON MAIS PLUS ASSER C*N.
J’ai 30 ans et suis totalement dans votre démarches et votre incompréhention pour enfin dire NON, TROP BON TROP C*N !
Nous soignons des êtres humains et nous le sommes tous. Ce qui est dramatique dans tout cela c’est tous ces politiciens, qui sont censés donner l’exemple du FAMEUX SLOGAN depuis des siècles « UNITE EGALITE FRATERNITE », sonne dans leurs bouches très faux.
Nous sommes au 21eme siècle, mais certaines choses non pas évoluées : il y a toujours la « ROYAUTE ET LES SOUS FIFRES » « LE MOYEN AGE REMIXE ».
Je pourrais peut-être écrire les paroles « Années 2010 » aprés obispo « Les années 80 ».
La 2eme chose, c’est qu’il faut attendre q’une EPIDEMIE d’épuisements psychologique et physique du personnel soignant se déclare pour peut-être que ses messieurs se bougent les fesses.
Mais vous savez bien nous n’avons pas les mêmes valeurs quand ces messieurs passent de l’autre coté en tant que patient ils ont encore et toujours des privilèges, le TAPIS ROUGE en arrivant puis SUPER SUITE PETIT DEJEUNER du grand café du coin « LE DEJEUNER D’UN GRAND RESTANRANT A BELLE REPUTATION ».
Alors oui, le ras le bol, l’injustice de notre non reconnaissance, DEMOTIVATION.
Moi je suis en dépréssion avec ce travail et je suis en arrêt depuis 4 mois. J’ai pété un cable, en plus j’ai perdu coup sur coup mon mari d’un cancer, et ma mère d’IDM massif, et donc veuve avec ma fille de 11ans…
J’adore mon métier mais je ne peux plus accepter de travailler dans de telles conditions. J’ai besoin de prendre du recul et de penser à moi. Comme je dis à mes chefs, les indispensables il y en a pein les cimetière.
Le jours où on est dans un plumard malade, là on ne compte plus. Enfin, moi je suis de tout coeur avec vous et je ferai mon possible pour être solidaire à tout mouvement de ce type. Il faut S’ENTRAIDER ENTRE NOUS AINSI QU’AVEC LES AUTRES PENDANT QUE NOUS SOMMES ENCORE EN VIE, UNE FOIS PARTI CELE NE SERVIRA PLUS A RIEN.
Je suis avec vous et dispo si besoin dans ce combat, il le faut.
Encore merci à vous toutes et tous de vos témoinages, votre percévérance, cette niaque de se faire entendre pour mener de front ce combat.
AMICALEMENT, Vero

loulou le 7 juin 2013

On l’aime notre boulot et nos patients encore plus ! Tous les grands pontes savent qu’on va jusqu’au bout pour ne pas gêner le servive ou les collègues. Et les patients dans tout ça !? On n’en parle plus dans les textes : faut juste faire du chiffre !!
Et vous messieurs les ministres vous continuez à vous faire soigner au « val de grace », où il y a une IDE POUR 3 CLIENTS… merci pour le commun des mortels !

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