Sida : les jeunes et les seniors de plus en plus touchés (partie 1)

Temps de lecture : 6 minutes

campagne sidactionChaque année, le Sidaction continue de mobiliser les médias et les Français, qui ont, en ce mois de mars 2015 encore, offert plus de 4 millions d’euros à la recherche contre le sida. Le  sida, ou Syndrome de l’immunodéficience acquise : une maladie qui touche toujours 150 000 personnes en France, et continue de contaminer entre 6 et 7000 nouveaux cas chaque année dans notre pays.

 

jeunes 1Pour autant, les dons sont en baisse (cette année, 750 000 euros de moins qu’en 2014 ; et en 2014, 100 000 euros de moins qu’en 2013). La prise de conscience aussi est en recul, notamment chez les jeunes, de moins en moins conscients du risque que représente encore cette maladie y compris dans nos pays occidentaux. Plus de trente ans après sa découverte, le sida véhicule toujours son lot d’idées reçues, surtout auprès des 15-24 ans, comme le montre un sondage mené par l’Ifop pour le Sidaction : « près d’un tiers des jeunes de moins de 25 ans pensent que le sida peut se guérir », indique ainsi l’étude. « Une proportion qui a doublé en cinq ans. Par ailleurs, près de 4 jeunes sur 10 pensent qu’ils ont moins de risques que les autres d’être contaminés par le virus du sida. Ils sont autant à penser que leur génération est de moins en moins contaminée par le VIH.

 

Pourtant, parmi les 6220 personnes ayant découvert leur séropositivité en 2013, plus de 800 étaient âgés de moins de 25 ans, une proportion qui n’a pas évolué depuis 2003. Au fur et à mesure que les progrès de la médecine et de la recherche avancent, les fausses idées s’installent… », déplore de son côté l’Institut de veille sanitaire (InVs) dans son bulletin épidémiologique hebdomadaire de la fin mars 2015.

 

jeunes4En interrogeant plus d’une trentaine de jeunes croisés au hasard, en pleine semaine du Sidaction pourtant, et alors que leur télévision martèle le message sur toutes les chaînes et à toute heure, on se rend compte, effectivement, de leur méconnaissance du sujet. « Je pense que c’est possible d’attraper le Sida en s’asseyant sur des toilettes publiques », estime ainsi un jeune étudiant d’une vingtaine d’années. « Il me semble qu’on peut même attraper le sida en s’embrassant », renchérit une collégienne de 3ème. « Le sida ne peut pas être transmis par le sperme », affirme une jeune femme, pourtant en deuxième année d’études pour devenir… infirmière ! Enfin, « la fidélité nous protège du Sida », considère une lycéenne, très sûre d’elle. Une forme d’insouciance nouvelle par rapport au sida, qui inquiète les professionnels de santé : chaque année en France, 12% des nouveaux cas de transmission de la maladie concernent des jeunes. « Le combat contre le Sida, c’est d’abord de continuer la bataille contre les idées reçues, c’est de continuer à informer », explique Guy Molinier, président d’Act Up Sud-Ouest. « Il faut continuer à être présents sur le terrain, parce que c’est la multiplication des messages de prévention qui font qu’à un moment donné, les gens vont avoir le déclic et changer leurs pratiques pour mieux se protéger ».

 

jeune3Mélanie Hubault, responsable prévention et sensibilisation au sein de l’association Solidarité Sida, a son explication : « Contrairement aux plus de 35 ans, qui ont démarré leur vie sexuelle quand le sida était encore une maladie mortelle, les adolescents d’aujourd’hui appartiennent à la génération médicament, leur regard sur le VIH a complètement changé. L’arrivée des antirétroviraux a complètement banalisé la maladie à leurs yeux, et du coup, s’ils  savent que le sida existe, ils ont l’impression que cela ne les concerne pas du tout.» Autre idée reçue, peut-être l’une des plus dangereuse : au-delà des plus jeunes, de plus en plus de personnes sont absolument convaincues que l’on peut aujourd’hui guérir du Sida… alors que c’est faux. Corinne Lakhdari, militante et salariée d’Act Up, très engagée dans les actions de prévention, est séropositive depuis 25 ans. Elle est effectivement sous traitement… mais elle ne peut pas guérir du sida : « Et même si aujourd’hui les traitements sont de plus en plus efficaces, ce sont des effets secondaires très importants, des nausées, des cauchemars, des douleurs musculaires, des formes de dépression… on vit avec tout ça, il ne faut pas l’oublier », témoigne-t-elle, pour rappeler que le sida est une maladie grave, très grave, qui bouleverse des vies et en emporte encore.

 

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Campagne Têtu contre le Sida 2011

Les jeunes, mais aussi les seniors, restent des populations mal informées et donc fragiles face au risque. Ainsi, Olivier et son compagnon, deux quinquas parisiens, se battent depuis 30 ans contre le sida. Tout comme Fabienne, 55 ans, qui, après 3 ans de vie commune avec un homme dont elle est tombée follement amoureuse et qui lui a tout caché de son état, se découvre contaminée par le virus du Sida. « Nous les quinquas, nous sommes d’une génération qui n’était pas concernée », explique Fabienne. « Quand j’étais très jeune, on n’en parlait pas. Et puis ensuite, au cours de ma vie, jamais on ne m’a parlé de prévention, de dépistage… et comme beaucoup, je pensais finalement que le Sida, ça n’arrivait qu’aux autres. Au début j’étais en colère. Aujourd’hui je suis résignée, et j’accepte les traitements. J’ai mis plus d’un an avant de réussir à en parler à mes enfants… au travail en revanche, je ne parviens pas à évoquer le sujet. C’est impossible. C’est trop intime, trop tabou. Tout ce qui a rapport avec le sexe est sujet à fantasmes, l’imagination des autres se débride, et je ne souhaitais pas être le sujet de fantasmes de la part de mes collègues ». Pourtant, sur les 6300 nouvelles contaminations chaque année en France, 18% des malades ont plus de 50 ans. Ils n’étaient que 12% en 2003.

 

avril 2012 Campagne Safer Sex for Seniors (Etats-Unis)

Campagne Safer Sex for Seniors Etats-Unis – avril 2012

Mais si la recherche avance vite, les mentalités, elles, n’ont pas beaucoup évolué : plus de trente après son apparition, le virus HIV est toujours synonyme dans l’imaginaire collectif de vie débridée,  d’homosexualité, ou de toxicomanie. Et pourtant, comme le souligne une amie de Fabienne, elle-même séropositive depuis un quart de siècle : une contamination sur deux est hétérosexuelle, une sur cinq concerne les plus de cinquante ans. « Les messages de prévention sont adressés à des catégories que l’on dit ‘à risque’, et du coup, il y a toute une partie de la population qui passe à travers ces messages de prévention, en particulier les femmes de plus de cinquante ans, alors que de plus en plus de couples divorcent passés la cinquantaine, pour se lancer dans une nouvelle vie sentimentale ». Christian Andreo, directeur de la communication de AIDES, a justement tenté de répondre à cette problématique relativement nouvelle, avec une campagne de prévention récente qui s’adresse aux plus de 50 ans. On y voit un homme et une femme nus, attablés, occupés à rembobiner… une pelote de laine à tricoter ! « C’est une génération qui n’a pas été ciblée par les campagnes, ou qui ne s’est pas identifiée dans les campagnes, et qui se retrouve, après un veuvage ou un divorce, avec une nouvelle sexualité : souvent il n’y a qu’un seul partenaire, mais de plus en plus, il y en a plusieurs. Ils sont à l’affut, après une vie assez calme, d’une sexualité plus libre, ouverte, et potentiellement échangiste… Or, 37% d’entre eux n’ont jamais mis de préservatifs, et n’ont pas ce réflexe. Donc, ils prennent un risque ». Tous les spécialistes le disent : il faut absolument rappeler que le sida n’a pas d’âge… et que l’âge ne protège pas du sida. Chez les seniors, dans 40% des cas, la maladie est découverte trop tardivement.

 

La semaine prochaine, découvrez la suite de notre dossier sida : les évolutions de la recherche scientifique

 

 




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