Bientôt une « prime au mérite » pour récompenser les « bonnes pratiques » des médecins ?

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16Emmanuel Macron à l’économie et Marisol Touraine à la santé l’avaient déjà dit : les deux ministres sont très favorables à la rémunération au mérite. Cette fois, c’est l’Assurance Maladie qui propose de passer aux choses concrètes pour appliquer ce principe aux médecins : la caisse suggère tout simplement de mettre en place un barème, établi sur des critères simples qui permettraient de « récompenser » ou de « sanctionner » les praticiens. En clair, un système de « bonus malus », comme chez les assureurs automobiles !

 

8Et c’est ce jeudi 28 avril 2016 justement, alors que s’ouvrait une nouvelle journée de négociations sur la future convention médicale (rediscutée tous les 5 ans entre l’Assurance Maladie et les médecins libéraux), que le document a été rendu public : « de nouveaux indicateurs seraient introduits de façon à rémunérer les médecins qui atteindraient leurs objectifs ». Et les objectifs en question sont très clairs : prescrire moins et mieux, organiser davantage leurs actions de prévention, et gérer leur cabinet de la manière la moins coûteuse possible pour la sécu. En clair : prévenir plutôt que guérir sera récompensé, et continuer à émettre des feuilles de soin au lieu d’utiliser la carte vitale sera pénalisé. Cela qui prescrira un arrêt de travail sur papier carbone et non en ligne sera sanctionné, celui qui prescrira 3 jours d’arrêt de travail pour une grippe au lieu de 5, sera remercié. Celui qui rédigera des ordonnances avec plus de génériques sera applaudi, mais s’il y a trop d’antibiotiques il sera rappelé à l’ordre. Etc…

 

2Ce que prévoit en fait l’Assurance Maladie, c’est d’appliquer cette mesure de manière à « jouer » sur ce que l’on appelle la « ROSP », ou Rémunération sur Objectifs de Santé Publique, qui constitue un peu la « prime d’intéressement » des médecins, ou leur « 13ème mois », si on préfère. En moyenne, dans les 4500 euros par an. Une nouvelle initiative qui, après l’année de contestation qu’ils viennent de vivre contre la loi santé, le tiers payant généralisé et autres mesures jugées injustes, ne passe pas auprès des médecins.

 

10« On est dans une forme de procès permanent contre notre profession », estime Claude Leicher, président du syndicat MG France pour les médecins généralistes. « En clair, on nous propose de mieux gagner notre vie en réduisant les droits et les garanties des patients ! Aucune maladie ne peut être rangée dans une case qui correspondrait à un nombre défini de jours d’arrêt de travail, c’est aberrant ! Notre rôle, notre métier, notre devoir, c’est justement de savoir estimer différents critères de gravité d’une pathologie et d’adapter la réponse à nos conclusions, en terme de prescription (par exemple, certains patients ne supportent pas un médicament générique et auront besoin qu’on leur fasse une ordonnance en conséquence) et en terme de nombre de jours d’arrêt de travail. Bien sûr, il faut trouver le moyen d’éviter les abus et la complaisance malhonnête, car il y en a, mais pourquoi vouloir toujours sanctionner tout le monde pour les à-côtés de quelques-uns ? ».

 

15« Nous souhaitons juste que les praticiens prennent mieux en compte les durées indicatives établies par l’Assurance Maladie dans leurs prescriptions d’arrêts de travail », s’est justifiée la Ministre de la Santé, Marisol Touraine. « Ce n’est pas une mesure punitive, par exemple les rémunérations des médecins attentifs à la prévention et qui prescriront plus de dépistages, de vaccins, seront revalorisées ». Le patron de l’Assurance Maladie, Nicolas Revel, a aussi tenu à rappeler également qu’en 2015, la prime sur objectif des médecins avait augmenté en moyenne de 7% : « Au total, 89 489 médecins ont touché cette prime, et si la moyenne est de 4514 euros, il est important de signaler que les généralistes ont touché une prime beaucoup plus élevée de 6756 euros. Il ne s’agit pas de pénaliser les patients, mais d’ajuster la prise en charge au plus près possible des situations réelles, et d’encourager les médecins à améliorer les actions de prévention ».

 

18Il faut dire que d’après nos informations, pour 1 euro dépensé en préventif, la CPAM économise deux euros en curatif… « En d’autres termes, un patient en bonne santé coûte beaucoup moins cher qu’un patient malade ! Logique… et souhaitable pour tout le monde », estime le docteur Gabriel F, médecin généraliste à Lille. « Mais ce que les médecins n’acceptent pas, c’est que lorsqu’un patient est malade, sa prise en charge soit annexée à des objectifs de coûts et les médecins récompensés pour leurs efforts d’économie pour le système… sur le dos de la personne qu’ils sont sensés soigner, comme l’exige, je vous le rappelle, le serment d’Hippocrate ».

 

 




1 commentaire

Papyrusse le 4 mai 2016

« un patient en bonne santé coûte beaucoup moins cher qu’un patient malade ! »
et s’il coutait plus cher en bonne santé, on lui inoculerait une bonne pathologie qui le ferait bien souffrir et permettrait d’économiser !
Mélanger éthique et économie, et dire que les deux vont systématiquement dans le même sens est un sophisme !
j’ai toujours préféré faire le maximum pour que mes patients se portent le mieux possible, parfois c’était bon pour les dépenses de santé, et parfois non !
définir des critères pertinents pour améliorer la rémunération des médecins en les rendant vertueux est difficile. ce ne sont pas les économistes qui sont les mieux placés, eux qui ont prédit 12 des 3 dernières récessions, les médecins non plus (autant de solutions que de confrères avec qui je parle) et que dire des patients que toute annonce de décision rend encore plus anxieux.
peut-être un groupe de réflexion, qui se tiendrait Place de la République à Paris, et qu’on appellerait « nuit debout »

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