Salon du service à la personne : 75 000 postes à pourvoir dans l’aide à domicile

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5Ménage, garde d’enfants, aides aux personnes âgées… le secteur des services à la personne peine à recruter, un paradoxe, alors que la France souffre d’un chômage élevé, depuis des années. Les professionnels, réunis à partir de ce mercredi 25 novembre 2015 pour leur salon parisien, rappellent que 75.000 emplois sont à pourvoir… certains évoquent même le chiffre de 100 000 offres de travail disponibles dans ce domaine. Car chaque année, plus de six millions de Français contactent une agence spécialisée dans les services à domicile, pour tenter de trouver la bonne personne : aide ménagère, garde d’enfants, ou auxiliaire de vie pour un proche âgé, ou handicapé. Le service à domicile représente en fait désormais le premier gisement d’emplois, en France ; le secteur qui recrute le plus. Et si tous les postes vacants étaient occupés, le chômage diminuerait de plus d’un tiers ! Problème : les professionnels spécialisés dans la réponse aux particuliers recherchant une aide à domicile, peinent à pouvoir satisfaire l’ensemble de la demande. Et ce, parce que les candidats à l’embauche sont nettement moins nombreux que les ménages désireux de recourir à quelqu’un.

 

Comment, dans un pays en crise économique, est-il possible qu’un tel vivier d’emplois soit ainsi dédaigné ?! « Il y a plusieurs explications à cela », analyse Guillaume Richard, patron de l’entreprise O², spécialisée dans ce type d’emplois, aujourd’hui le plus gros pourvoyeur d’emplois en France. « D’abord, il y a un niveau d’exigence des clients qui dépasse tous les standards : on ne confie pas ses parents âgés, ses enfants en bas âge, son domicile, à n’importe qui. C’est logique, et en même temps, parfois disproportionné ».  Aline*, qui travaille du lundi au vendredi au domicile d’une famille pour garder des bébés, en témoigne : garde d’enfant ou auxiliaire de vie pour personnes âgées ou handicapées, c’est « clairement un sacerdoce : nos clients veulent rarement payer plus du SMIC, mais exigent de nous une disponibilité à toute épreuve. Les horaires, c’est après l’école ou pendant la soirée, mais aussi tôt le matin, il faut jongler. Il faut être sans arrêt disponible, on n’a pas de vie privée. J’ai connu des familles qui ne supportaient pas qu’on ait une minute de retard, qui exigeaient des menus extrêmement précis, des activités réglées comme du papier à musique, il faut une grande souplesse et une grande adaptabilité. Moi je comprends que certains hésitent à se lancer dans ce type d’activité, que certains bloquent sur les horaires, la disponibilité, le fait de pouvoir perdre son job quasiment du jour au lendemain parce que la structure familiale évolue ou que les employeurs déménagent, ou décident d’avoir recours à un mode de garde en collectivité. C’est dommage parce que c’est intéressant le service à la personne, rendre service aux autres… C’est vraiment une vocation, et c’est mon cas heureusement : j’aime ce métier, j’aime que ma vie ne soit pas routinière, cela me convient. Mais c’est épuisant. Alors que cela ne paye pas, et c’est d’autant plus difficile qu’il est très exceptionnel d’avoir un temps plein ».

 

11Le temps plein : c’est l’autre principale pierre d’achoppement : en étant garde d’enfant, aide ménagère, ou auxiliaire de vie, il est quasiment impossible de parvenir à s’en sortir avec un employeur et un lieu de travail uniques, et de faire de la route, se déplacer, beaucoup. Flavie* cumule ainsi deux emplois pour réussir à payer son quotidien et son loyer : quand elle ne garde pas des enfants à domicile, elle travaille dans une école comme animatrice de loisirs. Elle aussi, comprend que cette flexibilité du travail, et la précarité inhérente au secteur de l’aide à domicile, puisse en décourager beaucoup : « J’ai plusieurs journées en une, par nécessité mais aussi par plaisir. Moi cela me plaît d’avoir plusieurs employeurs, de ne pas faire la même chose d’une journée à l’autre, d’avoir un planning varié. Je considère que c’est moins un inconvénient qu’un avantage, parce que je ne suis pas dans l’objectif d’avoir un seul métier toute ma vie, mais de changer régulièrement, d’un mois à l’autre, d’une année à l’autre. Maintenant, je comprends que d’autres préfèrent avoir une routine, un quotidien bien réglés, des horaires invariables, un bureau fixe, des tâches répétitives, qu’ils aient besoin de cela pour être rassurés. Personnellement cela me correspond, ce que je fais, et j’en suis heureuse. Mais si je suis vraiment honnête, je dois reconnaître que je galère pas mal : il y a des moments où je me dis que cela doit être confortable d’être salarié. Avec mes différents employeurs, j’arrive à travailler trois après-midis par semaine, je ne parviens pas à faire coller les horaires pour trouver d’autres postes qui complèteraient mes revenus. C’est quasiment impossible de faire ne serait-ce que 35 heures par semaine, parce que les clients veulent tous qu’on soit disponible aux mêmes dates, aux mêmes moments de la journée ».

 

4Troisième problème, encore tabou, c’est le travail au noir : officiellement, 75 000 postes à pourvoir, qui ne trouvent pas preneur. Officieusement, sur internet, autant de petites annonces publiées chaque jour par des candidats à l’embauche. Pour comprendre, nous contactons une bonne trentaine de ces postulants du net : des femmes, essentiellement, quelques hommes aussi, de tous âges, qui nous disent tous être très disponibles, et polyvalents, aussi bien pour faire du ménage que du repassage, de la garde d’enfants, de l’aide à la personne. Mais tous, ont les mêmes conditions, très claires, et non négociables : pas de contrat, pas de fiche de paye. Et de l’argent  liquide, uniquement. Ils ne font pas mystère de leurs motivations : la première risque de perdre sa Couverture Maladie Universelle (CMU) si elle est déclarée, une autre son allocation chômage, une troisième ses allocations familiales.

 

2Et puis, de plus en plus nombreuses, les personnes retraitées, qui touchent une petite pension et ont besoin de compléter leurs revenus. Nous décidons de rencontrer l’une d’elle, Josie*, 63 ans, sur la région parisienne. Nous nous faisons passer pour un particulier employeur, cherchant quelqu’un pour tenir compagnie et assister, dans son quotidien, une dame âgée, atteinte de la maladie de Parkinson. Josie, comme les autres, refuse catégoriquement d’être déclarée : « Pour compléter ma retraite, je fais des ménages, des repassages, chez beaucoup de gens. Je ne suis jamais déclarée, je refuse. Ils me payent de la main à la main. J’en ai le lundi, le mardi, le mercredi, le jeudi, et le vendredi une semaine sur deux. Le reste du temps je fais aussi du soutien scolaire le soir de 16 heures à 19 heures. Pendant les vacances scolaires je garde des enfants, là j’accepte que les parents me déclarent quelques heures mais pas tout, pour l’assurance. Mais je peux aussi me rendre disponible le week-end, le samedi et le dimanche, pas de souci. Vous me laissez ma petite enveloppe sur la table toutes les semaines ». Quand on insiste pour la salarier et donc, la déclarer, c’est l’impasse : « Qu’est-ce que vous voulez que je sois déclarée ? Je suis à la retraite, si je suis déclarée je travaille pour rien, je change de tranche d’imposition et tout ce que je vais gagner en plus ça va passer au FISC, c’est pas intéressant du tout. Si je déclare, j’ai fait mes calculs, j’y perds trop. Vous savez, il y en a tellement qui font comme moi, les retraites sont tellement petites et minables… Si j’avais une bonne retraite, je ne ferais sans doute pas ça. Et pourtant j’ai cotisé toute ma vie. Là, au noir, je double ma retraite. C’est beaucoup plus rentable. Ils nous taxent assez comme ça ».

 

12Guillaume Richard, le patron de l’agence O², ne blâme certainement pas les personnes qui ne veulent pas être déclarées : pour lui, le problème vient du système, et des effets de seuil qui paralysent le retour à l’emploi : « En fait, nous avons des difficultés à trouver l’ensemble des salariés pour pourvoir tous les contrats que nous avons signé, en bonne partie parce que pour un certain nombre de nos concitoyens, il est financièrement plus intéressant de cumuler des allocations et un salaire non déclaré, ou seulement à moitié déclaré, ce qu’on appelle le ‘travail gris’. C’est la problématique essentielle des effets de seuil qui remontent à la Seconde Guerre Mondiale. Les allocations sont indispensables à la solidarité nationale, ce ne sont pas elles qui posent problème. Le scandale, ce sont ces paliers qui font que si vous gagnez un ou deux euros de plus dans l’année par rapport au seuil fixé, derrière, vous perdez un certain nombre d’allocations, jusqu’à 200 ou 300 euros par mois ! Ce sont les effets pervers du système : la caisse d’allocations familiales vous donne des aides en fonction de vos revenus déclarés, le coût de la cantine ou des voyages scolaires n’est pas le même, les tarifs dans les transports, les musées, le cinéma, les crèches, l’eau et l’électricité, les impôts bien sûr, taxe foncière, taxe d’habitation, CSG, impôt sur le revenu… tout est tarifé en fonction de vos revenus, au niveau local vous ne touchez pas les mêmes aides pour les vacances, ou pour une naissance, selon que vous déclarez tel ou tel revenu, et si vous dépassez tel ou tel seuil, vous pouvez tout perdre ; il faut donc réformer entièrement et rapidement ces effets de seuil. Et puis, il y a aussi tout un travail à faire auprès des candidats à l’embauche, pour leur faire comprendre qu’ils travaillent pour améliorer leurs conditions de vie. La première victime du travail non déclaré c’est le salarié lui-même : travailler sans être déclaré, c’est se priver de mille avantages précieux. Quand vous êtes malade vous n’avez pas d’indemnité journalière, quand vous attendez un enfant vous n’avez pas de prise en charge du congé maternité, vous ne toucherez pas de retraite, vous ne pouvez pas louer un logement ou emprunter à la banque parce que vous n’avez pas de bulletin de paye… C’est un vrai point négatif pour le salarié, mais il n’en a pas une conscience immédiate ».

 

3Dernière piste de réflexion : accroître la formation des personnes volontaires, de manière à ce qu’elles aient des compétences plus pointues, et une meilleure polyvalence : être formés à plusieurs métiers à domicile, c’est pallier à quasiment toutes les difficultés du secteur : pouvoir faire du ménage quand on ne garde pas d’enfants, et s’occuper de personnes âgées quand on ne fait pas de ménage, ou cumuler les deux chez la même personne, c’est l’assurance de pouvoir travailler à temps plein sur la semaine ; pouvoir mettre en avant un cursus de perfectionnement professionnel, des diplômes (secourisme, BAFA, auxiliaire de vie, ménage écologique etc…), c’est pouvoir répondre aux exigences des clients et donc, trouver plus facilement des postes stables et pérennes. Enfin, toutes ces conditions réunies permettent de gagner suffisamment d’argent pour être bien au-delà des minimas sociaux. Dès lors, les allocations diverses, perdues à cause du retour à un travail à temps plein déclaré, sont largement compensées par un gain de pouvoir d’achat largement supérieur. Bref : aménager la fiscalité, lutter contre l’économie souterraine, encourager la formation : autant de mesures qui sont aujourd’hui unanimement réclamées par les recruteurs. Car avec la hausse de la natalité et le vieillissement de la population, plus d’un million de postes d’aide à domicile seront à pourvoir en France, d’ici 2022 !

 

* les prénoms ont été changés

 
 




1 commentaire

Cheyssiere le 18 avr. 2016

Je rends visite a une dame atteinte d’Alzheimer depuis 4 ans et demi je suis paye par une association je gagne au dessus du SMIC et bien sur on dit toujours que je suis trop paye. Autour de moi je ne vois que des personnes d’origine etrangeres qui ont un grand amour des personnes qu’elle rendent visite au quotidien mais je vois tres peu de personnes Francaise de mon age je vais vous expliquer la raison. En France on exige pour 5 € de l’heure d’avoir le plus de qualifications possibles et encore on trouve que 5 € de l’heure c’est trop paye. On vous dira bien sur « mais on paye des charges gna gna » les employeurs depuis 30 ans ont cet argument « les charges gna gna » sous entendu fermes ta gueule et bosse ! Les personnes d’origine etrangeres sont pretes a travailler pour des salaires ridicules parce que pour eux c’est une belle somme. Moi je propose une chose pour 2016 le ferme ta gueule sale patron on doit imposer un SMIC net a 15 € et imposer aux patrons d’employer sous peine de prison. Systeme totalitaire certes mais il y a que comme ca que ca marchera. Arretons de considérer les gens comme des esclaves et les patrons doivent se serrer la ceinture !

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