Sida : les avancées scientifiques… et les chercheurs en recherche de budgets (partie 2)

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virusLorsque le sida est apparu en France, à la fin des années 1970, on ignorait tout de cette maladie. Il faudra même attendre 1983, pour que le rétrovirus soit officiellement identifié. Ce sont des chercheurs Français de l’Institut Pasteur qui sont à l’origine de cette immense découverte, couronnée par un prix Nobel de médecine, en 2008. « Lorsque nous avons réussi à isoler le virus du sida, nous avons immédiatement eu l’espoir que nous parviendrions rapidement à vaincre l’épidémie qui faisait rage depuis 5 ans », raconte le Professeur Françoise Barré Sinoussi, directrice du laboratoire des rétrovirus depuis 1988. « Nous étions assez naïfs à l’époque, nous imaginions développer rapidement un traitement, et même un vaccin. Nous n’avions pas alors la notion de l’ampleur de l’épidémie. Depuis, les recherches ont permis d’améliorer les traitements et de travailler sur des médicaments plus puissants et mieux tolérés par le patient, mais je suis inquiète, car aujourd’hui en 2015, les gens ont l’air d’avoir tendance à oublier qu’on ne guérit toujours pas du sida, et que si on l’attrape, on devra subir des traitements lourds, à vie ».

 

traitementCe qui a changé, effectivement, depuis la fin des années soixante-dix, c’est la qualité des traitements proposés aux personnes atteintes du sida, qu’elles soient séropositives ou que la maladie se soit déclarée. Dès 1987, les scientifiques découvrent des inhibiteurs qui permettent de diminuer la multiplication du virus, et de ralentir l’évolution de la maladie. Un peu moins de dix ans plus tard, en 1996, l’arrivée des trithérapies constitue une avancée importante pour les malades du sida : la trithérapie est un terme qui désigne tout simplement  l’association de trois médicaments contre le virus VIH, pour renforcer l’efficacité du traitement. Il existe donc différentes trithérapies, qui associent divers protocoles médicamenteux. Ce sont, jusqu’à présent, les médicaments qui ont le plus amélioré la vie des personnes atteintes par le VIH, tant en termes d’efficacité, de coût, de toxicité, d’effets secondaires et de qualité de vie des patients. Il existe aujourd’hui des quadrithérapies, des pentathérapies (associant 5 médicaments), et dans certains cas très particuliers et de manière extrêmement surveillée, certains malades peuvent se voir prescrire jusqu’à 8 ou 9 médicaments différents.

 

recherche« Mais même si le virus du sida a été percé à jour sur de nombreux points, il reste aujourd’hui difficile de contrer cette maladie », estime un membre de la Société Internationale sur le Sida (IAS), qui organise encore régulièrement des congrès sur le sujet. « Car le VIH n’est pas un virus comme les autres. Il s’attaque à nos défenses immunitaires, notre corps ne peut plus lutter contre les maladies que l’on surnomme opportuniste, car elles profitent des faibles défenses de l’organisme pour se développer et parfois entraîner la mort, et c’est en cela qu’il est si compliqué de contrer le sida : des défenses, considérablement affaiblies ne supportent plus des traitements de choc. Et puis, il y a les mutations incessantes de ce virus, qui ont rendu inefficaces bien des expériences, pourtant concluantes en laboratoires. ».

 

cachetPar ailleurs, les traitements existant actuellement sur le marché restent lourds, ils bouleversent encore la vie des malades et ne sont pas forcément bien supportés. « Les antirétroviraux ne sont pas des médicament anodins. Ils présentent tous une certaine toxicité pour l’organisme responsable d’effets secondaires ou indésirables plus ou moins marqués à court et à moyen/ long terme. Ces effets secondaires sont variés, bénins ou graves et diffèrent selon le moment de leur apparition et la classe ou le type de molécule utilisée. Les effets secondaires à court terme comme les nausées, troubles digestifs, vertiges et cauchemars sont parfois très gênants mais disparaissent le plus souvent en quelques semaines. Les effets à moyen terme, comme la toxicité mitochondriale des INTI (atteinte des tissus riches en mitochondries comme le foie ou les nerfs), ou à long terme, comme les troubles du métabolisme des lipides avec modification inesthétique de la répartition des graisses (trithérapies en générale), sont eux le plus souvent permanents. Par ailleurs, les trithérapies sont des traitements lourds qui demandent la prise de nombreuses pilules ou gélules parfois trois fois par jour malgré des efforts des pharmaciens et médecins pour diminuer le nombre de prises nécessaires », analyse ainsi le docteur David Germanaud, pédiatre neurologue à l’Hôpital Robert Debré, à Paris, et membre de Solthis, (Solidarité Thérapeutique et Initiatives pour la Santé), une association composée d’experts internationaux en VIH/sida, en santé publique et en développement, qui définissent ensemble  des programmes et des actions pour renforcer les systèmes de santé des pays où elle intervient, et leur permettre d’offrir une prise en charge médicale de qualité, accessible et pérenne, aux personnes touchées par le sida.

 

laboDifférentes avancées ont néanmoins permis de faire reculer le sida et redonné espoir à des millions de personnes. « Ne me demandez pas quand un vaccin sera mis sur le marché, car je ne le sais pas… mais la stratégie qui est mise en place aujourd’hui par les chercheurs est sur la bonne voie », explique Françoise Barré Sinoussi. «  Mais de plus, se pose le problème de résistances, dues aux  mutations incessantes et incontrôlées du virus, qui peut devenir insensible à un ou plusieurs composés et tient en échec thérapeutique les médecins pour 5 à 10 % des malades, même si des progrès ont été réalisé, puisque l’on peut maintenant tester le « profil » du virus au cas par cas pour connaître les molécules auxquelles il est sensible, ce qui favorise à nouveau un traitement adapté. En attendant, il faut garder en tête que l’infection VIH est encore là aujourd’hui, et que la prévention est possible, par des moyens simples. Il vaut mieux prévenir, plutôt que de prendre des traitements à vie ».

 

truvadaCes dernières semaines, de nouveaux résultats très encourageants ont été publiés par les scientifiques spécialisés dans la recherche pour lutter contre le virus du sida : ainsi, révélait ce 12 avril 2015 la revue « Nature », un essai prometteur vient d’être effectué avec un anticorps capable de combattre le virus du sida pendant plusieurs semaines. Ce qui relancerait sérieusement la piste des traitements immunothérapeuthiques, jusque là plutôt développée en matière de  lutte contre le cancer, pour lutter contre le VIH. Fin février 2015, c’est petite pilule bleue qui a été présentée à l’occasion du congrès de la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes, à Seattle, aux Etats-Unis. Il s’agirait d’un traitement préventif contre le Sida très prometteur, et les essais concernant cette pilule, le « Truvada », ont été menés sous la direction de l’Agence française de recherche contre le sida. Ce cachet bleu, à prendre avant et après un rapport sexuel, réduirait de manière spectaculaire le risque d’être contaminé lorsque ce rapport a eu lieu sans que les partenaires ne se soient protégés.

 

chercheursDes pistes prometteuses, donc, même si aujourd’hui, la recherche sur le sida peine à lever des fonds, y compris du côté des finances publiques. Les chercheurs français spécialistes du SIDA sont toujours leaders au monde, dans leur domaine, mais « ils risquent d’être doublés par de nombreuses équipes si les financements ne sont pas augmentés, car il sera de plus en plus difficile de lancer de nouvelles pistes de recherches en matière de prévention de la maladie », déplore Jean-François Delfraissy, directeur de l’ANRS, l’Agence Nationale de Recherches sur le Sida. En France, on dénombre encore chaque année 7000 nouvelles infections par le sida. La France doit donc impérativement se donner les moyens de poursuivre son travail sur la prévention de la maladie « Je pars aujourd’hui en retraite et je suis extrêmement inquiète pour nos jeunes chercheurs, je les estime maltraités, souvent dans des conditions extrêmement précaires. Ils sont obligés de partir à l’étranger ou d’abandonner la recherche, et je ne vois pas comment dans un pays comme la France nous pouvons garder une recherche de haut niveau, si nous ne prenons pas soin des nouvelles générations de jeunes chercheurs », conclut tristement le Professeur Françoise Barré Sinoussi.

 

 




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