Travailleur social : les enjeux du froid

Temps de lecture : 3 minutes

Travailleur socialIls sont sur les routes, quel que soit le temps, et tentent de repérer les plus démunis pour leur offrir un toit et un repas chaud ; ils sont en cuisine, ou en salle dans les foyers d’accueil, et gèrent la logistique des repas et de l’hébergement aux sans-abri. Ils sont dans les bureaux des Centres d’Orientation et tentent de trouver une solution à chacun, en fonction de son âge et de son parcours de vie, afin de le sortir de la rue. Par temps de grand froid, le rôle de ces travailleurs sociaux devient crucial pour les SDF. Et même vital, parfois.

 

Travailleur social

Cette nuit, nous sommes autorisés à suivre deux éducateurs spécialisés du SAMU social, pendant leur « maraude » : dans leur camion, des couvertures, des biscuits, du café chaud, et huit places assises pour qui voudra bien les suivre dans un foyer d’hébergement, cette nuit. Jérôme et Christine vont où leur instinct les guide. L’habitude, aussi. Ils connaissent par cœur tous les endroits de cette ville du Nord de la France, où les sans-abris se cachent, quand le soir tombe et que le froid devient insupportable. Les pas de porte, les renfoncements, les bouches d’aération, la pile d’un pont… Inlassablement, ils cherchent ceux qui, faute de toit, se réfugient dans les squats, les toilettes publiques ou les hangars.

 

Derrière une vieille maison abandonnée, ils repèrent Gisèle, une femme de 65 ans environ. Elle vit dans la rue depuis près de 5 ans, et ne veut pas entendre parler d’hébergement d’urgence. Recroquevillée sur des bâches, des cartons, un vieux matelas et sous plusieurs couvertures accumulées, elle dort profondément. Jérôme et Christine la réveillent, pour être sûrs qu’elle ne veut pas venir avec eux et qu’elle n’a besoin de rien. Pour être sûrs, surtout, que ce n’est pas un sommeil d’engourdissement lié au froid, le genre de sommeil dont on ne se réveille pas. Car il fait -10°, et le risque de mortalité est décuplé pour les SDF.

 

Travailleur social Lorsque les deux éducateurs spécialisés ont fini leur tournée, ils ramènent leurs protégés d’un soir dans une grande salle réservée aux repas. Une soupe, du fromage, des fruits, du café ou du thé. C’est peu, mais c’est déjà beaucoup pour se réchauffer et retrouver un semblant de sociabilité. Evidemment, il faut affronter la violence de certains, devenus presque fous à force de souffrir du froid, ou encore alcoolisés. Mais dans l’ensemble, ce sont aussi de beaux moments, où chacun raconte ses petites misères à ses compagnons d’infortune ou aux salariés des associations qui s’occupent d’eux. Plus tard, vers 22H, nouveau trajet dans le camion pour se rendre dans un gymnase mis à disposition par la commune. Quelques dizaines de lits de camp ont été dressés là. Les hommes d’un côté, les femmes de l’autre. Après le repas, c’est la douche bien chaude qui revigore. Cyrille et Stéphane, eux aussi éducateurs, vont rester là pour la nuit. Histoire d’être sûrs que tout se passe bien.

 

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« C’est du temps passé loin de nos femmes et de nos enfants, c’est sûr », expliquent-t-ils. On se caille sévèrement, il ne faut pas croire, les maraudes sont aussi une épreuve pour nous. Mais c’est chaque soir comme si c’était la première, il faut à nouveau recommencer, convaincre les gens de nous suivre, de se laisser soigner, nourrir, pour quelques heures. C’est passionnant, et chacun de nous en sort plus riche que la veille, en terme d’humanité. Evidemment que c’est difficile, quand il y a des castagnes ou quand on en perd un, parce qu’on arrive trop tard et que le froid a tué. Mais c’est aussi beaucoup de reconnaissance, un vrai sentiment d’utilité, et un boulot où on ne s’ennuie jamais ».

 

Chaque année, le Plan Grand Froid permet d’embaucher des travailleurs sociaux en renfort des équipes du Samu Social et des Associations. L’Armée du salut ou la Croix Rouge recrutent, notamment. Si vous avez la fibre, c’est le moment !

 

 




1 commentaire

Evelyne le 25 févr. 2013

J’éprouve de l’admiration pour ces gens qui se donnent aux autres sans compter.
La frontière entre avoir un logement et devenir SDF est mince. La vie peut basculer si vite.
Bon courage. Continuez comme ça.

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