Les soignants face à une épidémie de grippe de grande ampleur

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12Le pic attendu de la grippe, c’est cette semaine, pile à la mi janvier 2017… et si la France en a connu d’autres en la matière, cette année reste tout de même particulièrement touchée par le virus caractéristique de l’hiver. Pour tous les soignants, le Plan Blanc a été déclenché… Alors, que signifie-t-il, comment les personnels des établissements de santé ou de retraite, les urgentistes, les médecins libéraux ou hospitaliers font-ils face ?

 

3Déclenché ce jeudi 12 janvier 2017, le Plan Blanc, ou Plan Orsan, est une sorte de vaste modèle organisationnel d’urgence, mis en place lorsque le ministère de la Santé estime que face à une épidémie comme celle qui survient en France depuis plusieurs semaines, les hôpitaux et les soignants sont en surchauffe. Pour soulager le personnel qui travaille à flux tendu, il faut alors décréter des mesures particulières. Concrètement, on réquisitionne du personnel médical, on rappelle les agents en repos, on ouvre des lits supplémentaires en pneumologie notamment, on déprogramme et on reporte les opérations chirurgicales non urgentes.

 

15Par exemple, à l’hôpital de Firminy dans la Loire, les urgentistes et les différents directeurs de services se sont réunis avant de prendre la décision de déclencher ce plan blanc : 37 lits supplémentaires ont été ouverts pour faire face à une affluence record : ces dernières semaines, avec l’épidémie de grippe, l’activité est passée du simple au double, avec en moyenne une dizaine d’hospitalisations quotidienne au-delà de la capacité d’accueil en temps normal. Dans ce cas de figures, les établissements de santé ont aussi davantage recours aux infirmières et aux aides soignants intérimaires, mais cela ne suffit pas. Car la grippe touche principalement les personnes âgées et les enfants en bas âge, mais aussi les femmes enceintes : des patients par principe plus faibles que les autres, et chez lesquels la grippe est dangereuse parce qu’elle est susceptible de provoquer des accouchements prématurés, ou d’autres affections respiratoires ou cardiaques plus graves que les simples symptômes de la maladie. Ce qui entraîne régulièrement des durées d’hospitalisation longues et donc, l’occupation prolongée de lits dans différents services.

 

10La conséquence de tout cela pour les soignants : un temps de travail rallongé, des repos supprimés, et des services où le fonctionnement est alourdit et parfois difficile à organiser face à l’urgence et aux besoins. Aujourd’hui, plus aucune région de France n’est épargnée. Car le vaccin ne se révèle pas toujours une protection suffisante chez les plus faibles. Cette année, le nombre de malades souffrant de la grippe dépasse très largement les moyennes saisonnières habituelles, et le lourd bilan de l’épidémie la plus mortelle à ce jour, pendant l’hiver 2014-2015 (18 300 décès) sera « presqu’à coup sûr dépassé », selon l’Observatoire Européen de la Santé, dont les chiffres sont tombés jeudi. Ainsi, pour la première semaine de janvier 2017, comme l’Italie et le Portugal, la France est en « excès important » de décès.

 

9Dans les hôpitaux des grandes villes en ce moment, les personnes âgées malades de la grippe représentent deux tiers des admissions. « Des standardistes aux aides soignants, en passant par les infirmiers, les médecins et les chirurgiens, nous sommes en état de saturation », explique le docteur Stéphane Illouz, médecin urgentiste à l’hôpital privé d’Antony, en région parisienne. « Nous n’avons plus de place à l’hôpital, les unités gériatriques sont pleines, et on ne sait plus très bien où mettre les patients ». A Lyon, dans certains hôpitaux, ce sont plus de 40 nouveaux patients qui sont hospitalisés. Même situation de saturation : malgré la déprogrammation de plusieurs admissions prévues pour des opérations sans urgence ou des bilans, le personnel ne parvient plus à faire face. Les patients attendent dans les couloirs, parfois pendant plus de 20 heures d’affilée, sur des brancards. « J’ai mal aux reins, ma perfusion est pleine de sang, parce que je suis mal à l’aise dans le brancard et du coup je gigote dans tous les sens », se plaint une patiente.

 

24Et c’est partout pareil : à Lorient aussi, les parties communes de l’hôpital se sont transformés en salle d’attente géante pour gérer l’urgence et l’affluence liées à la grippe. « D’habitude, certains services de médecine ambulatoire ferment le vendredi, nous les laissons exceptionnellement ouverts tout le week end, c’est l’une des solutions que nous avons trouvées », raconte le Docteur Christophe Renaud, responsable du Pôle Centre Hospitalier de Lorient. « Cela nous permet de disposer d’une douzaine de lits supplémentaires, mais évidemment, il faut aussi les effectifs derrière, pour gérer. Nous donnons les soins directement dans les couloirs ou les salles d’attente, également, pour les patients dont la situation est moins périlleuse que d’autres ».

 

5600 000 nouveaux cas de grippe se sont déclarés rien que la semaine dernière en France. Et les médecins libéraux sont, eux aussi, surchargés dans leurs cabinets. « Les patients viennent pour de la fièvre, des courbatures, des affections respiratoires… On sait tout de suite à quoi on a affaire », explique le Docteur Bernard Dusfour, médecin généraliste à Montpellier. « La surcharge de travail des acteurs de soins primaires, notamment des infirmières, des pharmaciens, des kinésithérapeutes et des médecins généralistes est très importante. L’épidémie de grippe qui a démarré un peu plus précocément cette année, se cumule à leur travail habituel et à deux autres épidémies, celles de gastro entérite et de bronchiolite des nourrissons. Les patients concernés sont en écrasante majorité pris en charge par les médecins traitants, car par ailleurs, le Plan Orsan ou Plan Blanc repose sur une campagne de communication et d’information qui demande aux particuliers d’aller d’abord voir leur généraliste pour éviter d’encombrer les services d’urgences déjà débordés », indique le syndicat MG France.

 

17Ce que l’on dit peu, enfin, c’est que d’autres secteurs sont débordés : le service à la personne avec une explosion des demandes d’aide à domicile pour les personnes âgées. Alors même que dans ces secteurs, on manque déjà de bras en temps normal, malgré pléthore d’offres d’embauche (voir notre article à ce sujet). Ou encore, les services de Pompes Funèbres et les crématoriums : « Nous vivons une activité très intense en ce moment et depuis la seconde partie du mois de décembre 2016, avec l’épidémie de grippe à laquelle ne résiste pas beaucoup de personnes âgées », confirment les Pompes Funèbres Générales, tout comme le responsable du funérarium du Père Lachaise, à Paris. Petit rappel utile : le vaccin est toujours disponible en pharmacie, et tous les professionnels de santé confirment : mieux vaut se faire vacciner tard contre la grippe, que pas du tout.

 

 




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