Canicule : les vétérinaires au cœur de l’actualité

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7C’est l’une des professions de santé les moins reconnues par le secteur, et pourtant : leur rôle est primordial, notamment en ces périodes de canicule, durant lesquelles ils interviennent assidûment auprès des animaux, qui souffrent eux aussi tout particulièrement de la chaleur. Car les bêtes sont encore plus sensibles aux changements de températures que les humains, et depuis le début de la canicule en France, les cliniques vétérinaires sont prises d’assaut. L’occasion pour nous de zoomer sur ce métier, en tête des professions préférées des Français selon un sondage CSA, un classement ex aequo avec… les médecins.

 

12« En ce moment, une consultation sur deux est directement liée à un coup de chaleur », explique le Docteur Laurent Kern, vétérinaire urgentiste. « Malheureusement, il est déjà souvent trop tard lorsque les gens nous amènent leurs animaux, la canicule est, encore plus que chez les humains, souvent synonyme d’hécatombe chez nos amies les bêtes. Les victimes se comptent par milliers cette année. Nous n’avions pas vu cela depuis 2003. Le problème avec les animaux, c’est que contrairement à nous, ils n’ont que peu de moyens d’alerter sur leur état de santé. Ils ne se plaignent pas, alors qu’ils sont beaucoup plus sensibles que les personnes à de fortes variations de températures. Un animal en parfaite santé peut mourir à cause des fortes chaleurs, en quelques heures seulement. Il faut donc que les maîtres soient extrêmement vigilants« .

 

4Parmi les espèces qui souffrent le plus de la canicule : les lapins, les chinchillas, les jeunes chats, et bien sûr les chiens, qui ont beaucoup de mal à autoréguler leur température interne. « La canicule peut provoquer une mort spontanée, mais aussi par thrombose ou par décompensation cardiorespiratoire. Pour repérer un coup de chaleur chez l’animal, certains symptômes ne trompent pas », explique le Docteur Timothée Hamy, vétérinaire en clinique à Paris. « Hyperventilation, allées et venues obsessionnelles, regard fixe, stress intense, fièvre, sont ainsi des signes avant-coureurs de malaise qui ne trompent pas. Pour éviter cela, nous conseillons de tout faire pour refroidir l’animal : le garder dans une pièce obscure, fenêtres fermées, et limiter les sorties, ou alors seulement tôt le matin quand il fait un peu plus frais, ou tard le soir ; l’hydrater le plus souvent possible, lui donner à boire mais aussi le mouiller : tremper ses pattes dans de l’eau fraîche (et non glacée) par exemple, permet de faire baisser sa température. Privilégiez aussi l’alimentation qui contient de l’eau, des pâtées plutôt que des croquettes, par exemple ».

 

1Dans les zoos aussi, les vétérinaires sont en alerte. Car les animaux des parcs animaliers sont, eux aussi, très fragiles en période de canicule, y compris ceux qui viennent de pays chauds, car ils se sont acclimatés à notre météo, normalement tempérée. « Les bébés, en particulier, sont incapables de se thermo réguler, comme nos bébés humains, et comme eux, ils sont plus fragiles », explique Alexis Lécu, directeur scientifique et vétérinaire du parc zoologique de Vincennes, à Paris. « Les jeunes doivent être mis à l’abri dès la fin de matinée, car ils n’ont pas forcément le réflexe de boire. Pour les manchots, nous avons prévu des brumisateurs car l’eau des bassins est trop élevée, environ 8 degrés de trop par rapport à d’habitude. Nous leur donnons aussi des glaçons au sang et aux morceaux de poisson, tout comme aux autres carnivores comme les loups et les fauves, à qui sont distribués des glaçons au sang et à la viande de poulet ou de bœuf. Pour les animaux herbivores, comme les pandas, les rennes, les élans, très sensibles aussi aux fortes chaleurs, nous distribuons des glaçons fruités. La nuit, en période de canicule, l’air ne fraîchit quasiment pas, il n’y a donc pas vraiment de répit pour les bêtes ; nous arrosons beaucoup, nous multiplions les courants d’air, nous avons aussi créé des zones d’ombres supplémentaires pour les siestes, et nous leur distribuons de la nourriture fraîche, avec beaucoup d’eau. »

 

8Des périodes très physiques pour soigneurs et vétérinaires, qui doivent parfois intervenir très rapidement pour réhydrater en urgence des animaux victimes d’un coup de chaud. « Tout le monde a en mémoire la canicule de 2003 et ses tristes conséquences en termes de pertes humaines, mais même si peu de gens s’en souviennent, ce fut aussi une catastrophe pour les animaux. Animaux  domestiques chez les particuliers, animaux sauvages dans les zoos, animaux d’élevage dans les exploitations agricoles », nous rappelle-t-on à Météo France. « Plus il fait chaud le jour, plus on fatigue. Le problème en période de canicule, c’est que la nuit il fait toujours aussi chaud, et les organismes ne récupèrent pas ». C’est valable pour tous les organismes : humains, faune, et flore. Et de fait, les éleveurs craignent eux aussi que ne se reproduise cette année la catastrophe de 2003 : « Les volailles étaient mortes par centaines de milliers dans la région », se souvient Patrick A., éleveur de bovins à Beaufort, dans la région Midi-Pyrénées. « Les élevages porcins avaient été touchés aussi, les lapins également, les vaches… peu d’espèces ont résisté à la chaleur cette année là. Les équarisseurs étaient débordés, on avait même réclamé l’état de catastrophe naturelle, à l’époque ». Le problème des éleveurs, qui vivent déjà une situation de crise économique durable et douloureuse, c’est que très peu d’entre eux ont souscris à des assurances, trop chères. « Nous faisons le tour des installations, jour et nuit, pour essayer de les aider à mettre en place des solutions qui leur permettront de sauver quand même quelques bêtes », raconte le vétérinaire qui suit l’élevage de Patrick. « Nous leur conseillons d’installer des ventilateurs, des brumisateurs, mais au-delà de 30 degrés, cela ne suffit pas. Dans les entrepôts, qui ne rafraîchissent plus la nuit en cas de canicule, la température peut monter jusqu’à 50 degrés… et le souci, c’est qu’on arrive très vite à des situations de risque sanitaire, les odeurs, les mouches… qui ne font que dégrader encore la santé des survivants ».

 

13Les services vétérinaires sont donc en alerte maximum, dès que le thermomètre flirte avec les sommets : « le dispositif est très vite saturé en cas de canicule, il faut donc anticiper un maximum ». Depuis 2003, les Directions Départementales des Services Vétérinaires ont, elles aussi, des niveaux d’alerte et un plan d’action à appliquer en cas de canicule : « des dispositifs qui permettent, par exemple, de faire intervenir les pompiers pour puiser dans les étangs de quoi arroser les poulailler surchauffés, ou de prendre avec les préfectures les mesures nécessaires pour l’enfouissement rapide et contrôlé des cadavres, lorsque les équarisseurs ne parviennent plus à répondre à la demande. Enfouissement, qui répond à une réglementation très stricte, justement sous le contrôle des services vétérinaires, afin de protéger les nappes phréatiques et la qualité des sols, notamment par l’enrobage des cadavres avec de la chaux et le respect de distances minimum avec les puits, piscicultures, lieux de baignades, cours d’eau et plans d’eau », explique-t-on à la DDSV de Rennes. En période de réchauffement climatique, les autorités vétérinaires et sanitaires savent bien que l’émergence de maladies animales contagieuses, voire transmissibles à l’homme, n’est pas à exclure : « la fièvre de West Nile, la fièvre de la vallée du Rift, la fièvre catarrhale ovine, la peste équine, la leishmaniose ou la leptospirose, par exemple. Sachant que les hausses de températures favorisent aussi l’éclosion des larves de certains insectes transmetteurs. Et que, souvent, hommes et bêtes se baignent dans les mêmes points d’eau naturels, pendant les périodes de très fortes chaleurs ».

 

5Dans les SPA et LPA aussi, les vétérinaires sont débordés, canicule + départs en vacances obligent : les refuges sont saturés, 50 chats et chatons recueillis à l’infirmerie de ce centre LPA, près de Marseille, pour 35 places prévues. « Les gens ne savent pas quoi faire, alors ils nous amènent leurs animaux », explique la vétérinaire du centre, effarée. « Déjà d’habitude, les périodes de départ en vacances sont critiques, mais alors là en plus, avec la canicule, c’est du grand n’importe quoi ! », râle une bénévole, à l’accueil. Il faut stériliser au maximum les animaux qui arrivent, pour éviter qu’ils ne se reproduisent. Et euthanasier ceux qui ne survivront pas, hélas, déjà trop fragilisés par la chaleur. « Heureusement que les vétérinaires ne nous prennent pas trop cher, on mettrait vite la clé sous la porte, à ce rythme là ! ».

 

 




1 commentaire

Bélise le 22 avr. 2016

Je pense que c’est facile d’oublier que les animaux sont très affectés par la canicule. Je ne savais pas que les bêtes sont encore plus sensibles aux changements de températures que les humains. J’imagine que les vétérinaires doivent être très vigilants pendant la canicule. Merci de ce partage intéressant !

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