Etre humanitaire à Alep

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10Epargner les civils, leur porter secours, soigner les blessés : voilà la mission des humanitaires en mission en Syrie, alors que la deuxième ville du pays, Alep, subit depuis plus d’un mois l’offensive nourrie du régime de Bachar Al Assad. Sous le feu incessant des bombardements de l’armée et des tirs de roquette des rebelles, dans les quartiers est de la ville, des milliers de civils sont piégés, affamés par le siège qui interdit à tout convoi humanitaire d’acheminer des ravitaillements. Difficile, sur place, de savoir réellement quelle est la situation, tant les informations sont différentes selon qu’elles proviennent du pouvoir en place, des milices rebelles, des Russes, de la Turquie ou de l’Iran  (alliés de Bachar Al Assad), ou de la Coalition Internationale (à laquelle participent la France et les Etats-Unis). D’autres sources, comme l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme, sont aussi régulièrement remises en cause parce qu’elles proviennent de Syrien réfugiés en Europe, et qui n’ont d’informations sur place que celles que leurs contacts peuvent recueillir. Le conflit est tel et les enjeux si grands, qu’il est presque impossible de pouvoir jurer qu’une source est fiable, et a fortiori les informations qu’elle divulgue.

 

8Seuls les humanitaires, qui postent régulièrement des nouvelles de leur mission sur les réseaux sociaux, semblent faire preuve d’un minimum de neutralité. Encore que : parfois, sur le terrain, la violence est telle et la misère des populations secourues si profonde, qu’il est difficile de rester un observateur impartial, sans faire preuve d’empathie. Reste que là-bas, ces hommes et ces femmes qui prennent des risques insensés pour tenter d’apporter une aide humanitaire aux Syriens, font preuve d’un courage immense. Alors que leur tâche est si difficile. « Notre mission, ce n’est pas de juger telle ou telle partie dans un conflit, c’est d’inciter les belligérants, quels qu’ils soient, à respecter l’Humanité, le principe du droit international humanitaire, essentiel, et à ne jamais oublier de faire la distinction entre ceux qui se battent et ceux qui ne se battent pas ou qui ne se battent plus », explique un membre de la Croix Rouge, très active sur place.

 

9Leur charte de conduite ? Seulement celle édictée par les Conventions de Genève, destinée à protéger les personnes en situation de guerre. Et le Droit International Humanitaire, signé par 196 Etats qui se sont engagés à le respecter et le faire respecter en toute circonstance. « Privilégier l’Humain, reléguer le militaire au second plan, c’est la mission des humanitaires en Syrie aujourd’hui », analyse Mariane Gasser, à la tête de la délégation du CICR (Comité International de la Croix Rouge) en Syrie. « Nous avons comme objectif de tout faire pour aboutir à la mise en œuvre d’un accord de paix, qui soit inter syrien et respecte toutes les forces en présence, avec la priorité pour les civils ».

 

2Au jour le jour, les humanitaires tentent donc de faire leur maximum pour assurer l’évacuation des blessés, leur permettre de fuir la ville avec le minimum de biens vitaux, de déplacer les familles dans des conditions décentes et sécurisées, de négocier, millimètre par millimètre, le dégagement de voies d’accès ou de corridors de ravitaillement pour essayer de préserver tous ceux qui sont exposés aux combats. Sur place, hormis la Croix Rouge, sont aussi présents le Croissant Rouge arabe et l’OMS, l’Organisation Mondiale de la Santé. Ou encore Médecins du Monde et Handicap International. Une mission plus que difficile, alors que les trêves ne sont quasiment jamais respectées, que les tirs ne cessent jamais complètement, que les enjeux politiques aveuglent la plupart des combattants, qu’ils soient issus des forces de Damas ou des milices rebelles. Alors, même, que presque tous les hôpitaux de la ville ont été détruits ou sont dans l’incapacité de fonctionner, et qu’avant même les soins, les populations ont d’abord besoin de se nourrir, affamées par des dizaines de journées de siège ininterrompu.

 

3Ce vendredi 16 décembre encore, alors qu’elles participaient enfin à l’évacuation de près de 10 000 civils encore piégés à Alep Est, mais aussi de combattants rebelles et de leurs familles, ces organisations ont reçu l’ordre de se retirer des zones pourtant dévolues à l’accueil d’urgence des blessés et à l’évacuation des autres, hommes, femmes, mais aussi beaucoup d’enfants. Parce que, selon l’armée syrienne, les « combattants en armes ne respectaient pas les règles du cessez-le-feu », les tirs et les bruits d’explosion ont repris, en plein sur le secteur où les bus et les ambulances avaient été affrétés pour l’opération de secours. « Nos camions sont chargés de médicaments et d’équipements de soins, mais nous ne savons jamais s’ils pourront parvenir à destination. Plusieurs ont déjà été rackettés par des djihadistes ou par des militaires du régime, qui en font commerce. Nous essayons d’acheminer notre aide le plus rapidement et le plus efficacement possible, en coordination avec les autres ONG sur place », explique Ziad Alissa, président de l’UOSSM, l’Union des Organisations de Secours et de Soins Médicaux.

 

6Chadi Homedan, médecin pour le même organisme, raconte : « Notre objectif est à la fois simple et incroyablement compliqué : alimenter les hôpitaux et leur permettre de fonctionner à nouveau pour accueillir tous les blessés qui vont arriver en nombre, mais aussi, et c’est peut-être le plus difficile, sensibiliser les citoyens européens à la situation dramatique dans ce pays. Car les opérations humanitaires coûtent cher, 100 000 euros par convoi environ, et chacun d’entre nous peut participer en faisant des dons, même mineurs ».

 




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