Médecins, secouristes, soignants de Paris : après les attentats, plus de grève, pas de trêve

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5Ils devaient être grévistes : médecins généralistes, spécialistes, chirurgiens, et toutes les autres professions de santé avec eux, ce week-end. Ils devaient manifester, ce lundi 16 novembre 2015. Mais le serment d’Hippocrate a été le plus fort : lorsque, vendredi 13 novembre 2015 au soir, plusieurs attentats simultanés endeuillent Paris, faisant 129 morts et 352 blessés, bilan toujours provisoire à l’heure où nous écrivons ces lignes, les médecins, les urgentistes, les secouristes, les soignants de Paris suspendent immédiatement leur grève et font face, aux côtés des pompiers, au carnage. Comme ils l’avaient fait en janvier 2015 lors de l’attaque de Charlie Hebdo et de l’Hypercasher, ils ont appelé à une mobilisation générale… non plus contre le tiers payant, mais pour tenter de sauver le maximum de vies, malgré l’ampleur et la sauvagerie des attaques.

 

12« Du côté des médecins libéraux, nos cinq syndicats de praticiens de ville et la Fédération hospitalière privée (FHP) avaient conjointement appelé à suspendre toute activité et à fermer les établissements à partir de vendredi, afin de protester contre la loi santé », indique ainsi Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des Médecins de France. « Tous les syndicats et Coordinations avaient appelé à des actions. Au moins 80% des cabinets étaient fermés, et des opérations-escargot venues de toute la France, menées par les Coordinations, avaient convergé sur Paris en fin d’après-midi pour mettre la pagaille sur le périphérique. Mais à la nouvelle des attentats de Paris, ils ont unanimement suspendus leur mouvement. Ce vendredi 13 restera gravé dans nos mémoires de médecins comme une journée de mobilisation historique, mais pas dans le sens prévu ».
3« Les syndicats médicaux libéraux appellent l’ensemble des médecins à cesser immédiatement toute action de grève des soins dans l’ensemble du pays », ont ainsi immédiatement réagi les syndicats CSMF, MG France, FMF et SML, au petit matin du samedi 14 novembre, juste après les événements, dans un communiqué commun largement diffusé : « Les événements dramatiques qui frappent la France imposent aux médecins libéraux de suspendre immédiatement leur mouvement de blocage sanitaire ». L’ensemble des praticiens ont aussi été prévenus par texto de cette décision, « par totale solidarité des médecins libéraux avec les pouvoirs publics, la population, les autres soignants, et en particulier leurs collègues hospitaliers ». Les cliniques ont elles aussi annulé aussitôt leur mouvement de fermeture, dès qu’elles ont eu connaissance des drames qui avaient touché Paris, tard dans la nuit de vendredi soir. « Nos premières pensées vont aux victimes de ces actes ignobles, à leurs familles et à leurs proches. Les services d’urgences privés de la région Ile-de-France sont pleinement mobilisés pour faire face à cette situation dramatique. La priorité immédiate est aux secours », a ainsi témoigné le président de la Fédération Hospitalière Privée, Lamine Gharbi.

 

8Sur les lieux des attentats, secouristes et urgentistes ont donc donné le maximum. Aux côtés des pompiers, les brancardiers, les infirmiers, les ambulanciers ont aussi aidé autant qu’ils le pouvaient. Avec la police scientifique, tous ces soignants ont permis d’identifier au plus vite les blessés en urgence vitale, de les mettre en condition avant le transport, de répartir les transferts dans les hôpitaux, d’agir au mieux, malgré la cohue, les bousculades, la panique, la terreur. Le Plan Blanc a été déclenché, avec une médicalisation précise, et massive, à destination des victimes. « Lors de vagues d’attentats, nous appliquons des procédures qui ont été mises en place après les attentats parisiens de 1995 et 1996. Ce sont des événements exceptionnels, en milieu urbain, à forte charge émotionnelle et médiatique, comportant des blessés souvent graves qui nécessitent une prise en charge équivalente à celle de la réanimation chirurgicale », explique le docteur Jean-Jacques Musso, médecins urgentiste à Paris. « Les alertes arrivent sur le 15, le 17 et le 18, et permettent l’interconnexion entre les structures et une meilleure régulation médicale pour l’envoi des moyens. Pour cela, pompiers et SAMU travaillent de pair, et sur place, on envoie des médecins, des anesthésistes réanimateurs, pour un temps moyen de 2H30 entre la première alerte et la dernière hospitalisation des blessés en urgence absolue ».

 

10Ensuite, dans les services d’urgences hospitalières, c’est le tour des différents personnels soignants et des chirurgiens de prendre le relais. Depuis bientôt 4 jours, ils sont dans l’effervescence la plus totale : 42 personnes sont toujours dans les différents services de réanimation. Et la totalité des blocs opératoires ont été occupés, partout, pendant des dizaines d’heures d’affilées, à partir de samedi 14 novembre 2015 à 1 heure du matin : « Avant même l’activation du plan blanc, tout le monde, médecins, infirmières, a spontanément rappliqué en un temps record », raconte ainsi le docteur Patrick Plaisance, chef des urgences de l’hôpital Lariboisière, dans le Journal du Dimanche. « Une ambiance de scènes de guerre », selon le docteur Philippe Juvin, à la tête des urgences de l’hôpital européen Georges-Pompidou. « La soirée avait commencé plutôt calmement, il ne se passait pas grand-chose. Et puis à 2 heures du matin, 40 ambulances sont arrivées aux urgences et ont commencé à déverser un flot de patients, personne ne parlait, c’était d’une brutalité inouïe et en même temps, même les blessés étaient silencieux. »

 

13Et puis, dès samedi matin, ce 14 novembre 2015, froid et triste, ce sont les soignants du cœur et de la tête qui se sont mis à l’œuvre, auprès des familles de victimes, des rescapés, des témoins, tous horriblement sous le choc. « Hébétés, muets, fous de douleur, traumatisés », voilà les mots employés par une psychologue de la cellule d’écoute montée en urgence au sein de la mairie du 11e arrondissement de Paris. « Nous pratiquons d’abord un examen somatique, afin de dépister les conséquences retardées d’un ‘blast’, c’est-à-dire l’ensemble des lésions primaires et secondaires liées à l’onde de choc d’un attentat avec des armes à feu et des explosifs. Ensuite, évidemment, nous prodiguons les soins psychologiques : car même quand il n’entraîne aucune lésion physique, un attentat entraîne automatiquement des blessures psychiques, à cause de la violence et de la soudaineté de l’événement, de la prise de conscience que la vie a été menacée, ou détruite, à cause de l’intensité dramatique aussi, de l’ambiance très particulière qui suit un attentat jusqu’à l’arrivée des secours, et même pendant qu’ils interviennent ». Il faut aider les victimes survivantes, leurs proches, les familles des défunts, à entamer leur travail de deuil ou de résilience. Sans doute, le travail le plus long et le plus délicat, pour les soignants.

 

 




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