Hôpital psychiatrique : le personnel soignant raconte

Temps de lecture : 5 minutes

« On s’est tous fait taper dessus… Je me rappelle d’une fois, prog58171,66j’étais en chambre d’isolement avec un patient en plein délire, je me suis pris un coup de poing magistral… J’ai cassé mes lunettes dans l’affaire, mais je n’ai pas du tout vécu cela comme une atteinte personnelle, c’était dans le contexte de l’hôpital psychiatrique, c’est pour ces cas là qu’on aime notre boulot, ce sont les plus intéressants d’un point de vue clinique, les plus touchants d’un point de vue humain… C’est mon rôle de soignant, ça fait partie des aléas du métier ».

Tout est dit, dans ces quelques phrases : ce témoignage, c’est celui de Luc*, infirmier psychiatrique en unité d’admission, à Clermont. Leur métier, aussi dangereux soit-il, les personnels soignants des hôpitaux psychiatriques l’adorent.

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C’est un métier où la relation humaine prend toute son importance

Pourtant, les difficultés et la pénibilité du travail sont évidentes, et reconnues. Mais c’est presque à cause de ces situations de crise, avec des patients incontrôlables, qu’ils ont choisi cette voie. La folie, dérèglement absolu de la personnalité, est par définition violente, mais aussi fascinante, d’un point de vue médical et thérapeutique. Les situations de prise en charge vont de la simple vulnérabilité, jusqu’au trouble mental incurable. La psychiatrie fascine, car ceux qui y travaillent ont le sentiment unanime d’être utiles, de répondre à une vraie souffrance, et à des besoins de plus en plus importants.

D’ailleurs, on assiste depuis peu à une véritable explosion de la demande, avec l’émergence d’une nouvelle catégorie de patients, et une augmentation très nette des troubles mentaux. Le vieillissement de la population, l’augmentation des problèmes sociaux liés à la crise, la précarité, l’exclusion, la déscolarisation des mineurs, la hausse de la toxicomanie, sont autant de facteurs qui amèneront, forcément, dans les années qui viennent, à un fort développement des structures spécialisées. D’ailleurs, ces dernières années, le nombre de lits consacrés à la psychiatrie a diminué, alors que des structures alternatives aux hôpitaux se sont développées.

Ce qui est sûr, c’est qu’une fois dans ces établissements là, et dans ces services là, prog58204,26les soignants y restent, parce que le métier y est captivant, très impliquant, et enrichissant. La majorité du personnel, à Clermont, a plus de 15 ans d’ancienneté. « C’est un métier où la relation humaine prend toute son importance », explique Laura*, médecin psychiatre. « Si vous parlez à n’importe quelle personne de l’équipe de son travail, vous verrez, le terme ‘relationnel’ revient systématiquement. La moitié de notre unité, ce sont des gens très malades. L’autre moitié, ce sont des gens qui traversent un désert social, affectif, économique, ils sont en pleine déshérence, et aucune institution ne peut leur répondre aussi rapidement et aussi efficacement que l’institution psychiatrique. »

Hélas, le fait que les soignants soient presque tous ici depuis plus de 15 ans, est aussi révélateur d’un réel problème rencontré par ces structures spécialisées dans la folie : le manque de personnel. Comme dans tous les secteurs du médical, bien sûr. Sauf qu’ici, les conséquences sont beaucoup plus graves.prog58273,31 Les soignants ont le sentiment de ne plus avoir le temps du travail bien fait, le temps de mettre en place des projets avec les patients, des activités de sociabilisation, ou d’animation comme les ateliers artistiques ou le jardinage, fondamentaux pour leur équilibre fragile. « Là où autrefois on pouvait être quatre ou cinq, on n’est plus que trois ou deux », explique Nicole*, infirmière psychiatrique en unité complémentaire (pour les patients stabilisés). « Il n’y a pas plus de situations violentes qu’avant, mais comme il y a moins de personnel, les patients sont beaucoup moins occupés, ils sont plus souvent livrés à eux-mêmes, à leurs démons, et ça dégénère plus facilement. Ils tournent en rond, et régulièrement, il y en a un qui pète un plomb. »

Le personnel de l’hôpital psychiatrique est unanime sur cette question du manque de personnel, qui nuit à l’activité de soins. « Maintenant, les patients sont gênés de nous demander si on a cinq minutes pour parler, ça n’est pas normal », regrette Elisabeth*, infirmière psychiatrique. « Autre exemple : la nuit, il y a une seule personne dans mon unité ! Si je fais un malaise, il n’y a personne d’autre ». Résultat : le corps des soignants souffre, et le collectif en pâtit.prog58130,54 D’autant qu’aujourd’hui, les changements organisationnels à l’hôpital crispent le personnel, qui a le sentiment de ne plus être là pour soigner, mais pour faire « du résultat ». « Nos actes ne se quantifient pas comme un acte lambda chez l’ophtalmo ou le dentiste », déplore Liliane*, chef de pôle. « Ils ont directement trait avec les relations humaines, ce qui fait qu’on vit assez mal le fait de devoir les calibrer. Ce n’est pas du tout notre culture. On doit prendre du temps pour chacun, on ne peut pas les recevoir en file indienne comme dans une salle d’attente classique, il faut parler, discuter, faire leur toilette en douceur car un patient brusqué ou dérangé dans sa routine peut devenir très dangereux, surréagir et agresser sans préavis ».

Les agents de service hospitalier partagent ces regrets. « Aujourd’hui, on n’assiste plus aux réunions », se rebiffe Natacha*, ASH depuis 6 ans. « Alors qu’on sait plein de choses sur les patients, on les côtoie dans leur intimité, on vide leurs poubelles, on voit les problèmes d’alcoolisme, de drogue, d’obésité, on n’est pas seulement là pour faire le ménage mais surtout pour le relationnel. C’est une fierté, pour nous, d’être en secteur psychiatrique, comme pour tous les soignants, quelle que soit la hiérarchie. C’est un domaine d’excellence, et nous en sommes fiers. » Car les agents de service hospitalier, ici, aident quotidiennement les aides-soignantes, les infirmières et les médecins dans les situations de crise. prog58113,96Le contexte psychiatrique est tellement particulier que cette interaction, cette solidarité dans l’équipe, sont nécessaires et ne supportent pas que les métiers soient trop cloisonnés. A l’autre bout de la chaine, les cadres hospitaliers vivent de plus en plus mal de devoir tout le temps tout gérer dans l’urgence. Ils savent que leurs équipes sont fatiguées et sont en même temps pris en tenaille par les objectifs de performance qu’on leur fixe.

La psychiatrie est un secteur passionnant, riche de rencontres et de défis à relever. Le personnel y est majoritairement heureux de sa relation aux patients, de ses expériences, toujours différentes, patient après patient, pathologie après pathologie. Mais il est en souffrance… La crise des vocations y est pour beaucoup. Avis aux volontaires : c’est une branche où l’on recrute, et qui mérite qu’on s’y investisse.

* les prénoms ont été changés

 




8 commentaires

Robertaa le 27 mai 2016

Et je trouve qu’il y a trop d’humour dans mon message, ça appelle à une réponse et j’ai envie de nous l’épargner à tous donc je vous achève maintenant avec un message plus sérieux.
Tel que je connais votre milieu, ça ne vous fera pas vous remettre en question et vous vous dîtes « on n’a pas l’impression d’être des barbares ». Tapez-moi cette citation dans google et vous obtenez http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2016/03/16/01016-20160316ARTFIG00338-dans-l-ain-un-centre-psychiatrique-accuse-de-se-livrer-a-des-pratiques-d-un-autre-age.php (et franchement deux sorties de 30 minutes par jour sur ce point d’autres font moins)

Pour bien comprendre que tu ne sers à rien à part à engraisser l’industrie pharmaceutique en faisant du mal aux autres, admire l’exemple italien où ils ont abandonné l’HP classique au profit de centres ouverts avec moins de psychiatrie et plus de psychologie, puis fermé les HPJ avec le concours du Co­mité pour la pré­ven­tion de la tor­ture du Conseil eu­ro­péen (tiens donc). Dans les HP italiens la psychologie domine par rapport au psychiatrique. Admire ce témoignage d’un infirmier français http://psychiatriinfirmiere.free.fr/infirmiere/temoignage/116.htm
C’est marrant car vous vous ne regardez jamais vos bilans. Ca soigne qui, ça soigne quoi vos médicaments ? Ca soigne les symptômes en en ajoutant 50 autres à la suite desquels il faut ajouter des médicaments, mais pour ce qui est de la maladie… Allez ça crée juste des junkies à vie euh pardon des consommateurs à vie pour l’industrie pharmaceutique, et puis c’est tout.
C’est marrant, depuis que la psychiatrie a découvert les médicaments, le nombre de malade est monté en flèche, simple coïncidence… Et elle s’est aussi trouvée une crédibilité au passage, coïncidence sûrement.
C’est plein de bêtes petits trucs qui révèlent la supercherie c’est idiot hein ? C’est comme la schizophrénie (qui selon certains médecins-chercheurs est un terme qui englobe des tas de maladies différentes en réalité) qui peut se caractériser par le rétrécissement du cortex du malade… Ah ben merde alors il se trouve que les médicaments qui soignent la schizophrénie, ex Ritaline etc. réduisent la taille du cerveau du patient ! Ca alors c’est génial à partir du moment où t’es déclaré shizo, et ben même si c’est faux ça devient une prophétie auto-réalisatrice grâce à cette caractérisation ! Ah c’est ballot quand même tous ces malades dont l’état s’aggrave et qui finissent inemployables hein ! C’est ballot.

Bref, http://www.lequotidiendumedecin.fr/blog-candidats/article/2014/09/24/premiere-etude-sur-la-mortalite-en-psychiatrie-en-france-de-3-4-fois-plus-elevee-quen-population-generale_707181 « Une étude menée sur une population de patients souffrant de troubles psychiatriques, toutes pathologies confondues, a montré que le taux de mortalité est de 3 à 4 fois plus élevé qu’en population générale, et peut parfois être jusqu’à 20 fois supérieur, chez les sujets jeunes entre 35 et 54 ans.  »
Comparons deux secondes avec l’Italie : https://www.monde-diplomatique.fr/2015/01/GOANEC/51936 « L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a reconnu la qualité du travail fait à Trieste. Aucun débordement majeur n’a été constaté. L’hospitalisation sanitaire obligatoire concerne moins de 10 % des patients, tandis que le taux de suicide (déjà faible en Italie) a été divisé par deux entre 1990 et 2011. » Eeeeh oui. Tandis qu’on polémique toujours pour savoir si les antidépresseurs causent du suicide ou s’ils sont bénéfiques.

Robertaa le 27 mai 2016

Bien et vous même ?
Qu’est-ce qui vous a fait sourire aujourd’hui ?
Vous avez organisé une course entre 2 sédatés ?
On se fait des petites expériences ? Du style au bout de combien de jours de cellules d’isolement et de médicaments pouvons-nous briser à jamais le mec le plus costaud mentalement du monde ? Quelque part je vous envie ça doit être passionnant, on en apprend des choses sur l’être humain avec ça. Vous avez du en voir des crises hein, je suis sûr que vous en avez de bonnes à me raconter. Est-ce que vous avez déjà maté un patient récalcitrant ? A mon avis y a rien de mieux pour l’image de soi que de mater un mec (sous médoc faut pas déconner) qui pourrait combattre dans la catégorie poids lourd.
Hé, entre nous, c’est impressionnant ou pas la neurochirurgie ?
J’ai une question, est-ce qu’on se sent un peu le maître du monde quand on a le pouvoir d’emprisonner arbitrairement quelqu’un de bien-portant, de lui faire prendre 50 kilos, de le rendre dépendant à vie d’une saloperie qui lui bousille le cerveau (et donc tout le reste) ?
Sinon, est-ce que vous aussi vous faîtes confirmer les diagnostics de départ faits en 5 minutes sur la simple base de témoignage, après la sortie de l’HP plusieurs mois après le diagnostic initial ? Est-ce que vous aussi vous appelez le centre expert lorsque le patient est à 2 de tension car sous médicament, parce que ça c’est beau comme procédé pour faire valider n’importe quel trouble ?

C’est beau l’impunité quand même, je suis sûr qu’on est d’accord.

Johnth le 18 mai 2016

Bonjour Roberta, comment allez-vous ?

roberta le 17 mai 2016

En bref, le fait que les infirmiers, comme le relève Artis, parlent de violence en lieu de souffrance prouve qu’ils n’ont rien compris à leur métier, qui n’est donc pratiqué qu’avec incompétence. Certes beaucoup de personnes trouvent ça marrant de voir un type dans un état pathétique et on comprend bien à la lecture de l’article que ce dont raffolent les infirmiers ce sont de ces situations qui change tant du quotidien où l’on peut voir des gens en dessous de tout, rongés par la folie ou par les médicaments. A mon avis c’est ça qu’ils appellent l’humain parce sinon de l’humain il n’y en a pas dans ce métier qui consiste à passer en coup de vent pour forcer quelqu’un à prendre des drogues qui font toujours leur petit effet lorsque l’on demande son avis à un pharmacien. Le reste du temps, c’est du spectacle, c’est un zoo, on donne les médicaments et on prend du pop corn en espérant qu’un truc va peut-être animer la journée. Et on est payé.
Les gens viennent en HP, ils sont en souffrance, pas en violence. Dès qu’ils ont compris que l’HP leur volera jusqu’à leur liberté de penser, qu’ils n’ont aucune assistance psychologique et qu’il est interdit d’être contre sous peine de représailles lourdres, oui, certains se rebellent. Ce sont les soignants qui créent la violence.
Si le sadisme était dans le DSM, ce serait la fin dela psychiatrie.

MOREAU Jean-Paul le 25 févr. 2016

Artis, je n’aime pas le docte mépris des jugements globaux de votre commentaire. Des inexactitudes ou des fadaises, ça se rectifie; des biais (dans quel but?) ça se déjoue, pour exposer votre perception de la vérité; les clichés, c’est de l’ignorance qui témoigne de l’inculture publique sur les maladies mentales et du climat politique de peur cultivés par des médias au service du pouvoir des nantis. La classe des privilégiés et autres contributaires de l’ISF craint qu’on leur enlève leurs privilèges. Le sécuritaire en est un moyen. Parmi ceux-là des députés dont une ministre de la santé, sont capables d’attribuer aux entreprise 25,4 milliards d’€ d’argent public en 2 ans avec le CICE(ref ci-dessous), redistribués d’abord aux actionnaires sans action réelle sur l’emploi, mais privent la santé des moyens indispensables à un traitement humain de la souffrance.
Vous exposez néanmoins des aspects réels de maltraitances qui ne sont pas forcément présentes dans tous les hôpitaux. Par constat personnel et témoignages de patients, je l’explique d’abord par le manque de moyens en quantité de personnels, en structures d’animations, et en qualité de formation, mais aussi par la prégnance de l’idéologie des dirigeants ou/et de certains personnels insuffisamment formés à l’humanité d’une approche sans reproche: on doit pouvoir recevoir un coup de poing sans en tenir rigueur à l’auteur, ce qui n’empêche pas de rechercher les moyens personnels et collectifs de le prévenir.

Artis le 31 janv. 2015

Cet article est rempli d’inexactitudes, de biais, de lieux communs et autres fadaises. On est proche de l’imposture et de l’anti-information.
Dire que la folie c’est la violence « par définition » est probablement le plus gros cliché de ce papier… Idem pour ramener la psychiatrie à la psychose. On parle de souffrance là.
Une augmentation très nette des troubles mentaux? Peut-être qu’un petit paragraphe sur le DSM et sa médicalisation de tout événement de la vie devrait être abordée.
D’autre part vous faites passer les soignants pour des héros, des personnes qui comprennent ces souffrants. La réalité est largement différente. La maltraitance est omniprésente dans ces hôpitaux où les soignants ressemblent davantage à des matons et les psychiatres à des vétérinaires. Les reportages en caméra cachée et témoignages de familles de patients et de patients sont loin de la représentation de cet article. Ah mais c’est vrai: le patient raconte n’importe quoi c’est bien connu
La mortalité des personnes ayant été hospitalisée est très inquiétante. La prise en charge est nulle et ces hôpitaux ne traitent que des crises. Ils ne soignent rien.
Faire passer l’administration pour le responsable de tous les maux est probablement la meilleure blague de ces pseudo soignants… « C’est pas moi c’est l’autre ». Classique.
Au passage si la psychiatrie était une filière excellence alors comme toute filière d’excellence elle attirerait. Demander à un étudiant en médecine si la psychiatrie est son rêve. Idem pour les infirmiers. Vous seriez surpris…

szmacinski le 15 mai 2013

Je suis une infirmière psy à la retraite et je travaille dans un foyer de vie pour handicapés mentaux, nous accueillons des personnes atteintes de déficiences mentales, mais de plus en plus de malades mentaux chroniques pour qui aucune solution n’est trouvée… sauf la rue ! Nous avons parfois l’impression d’être abandonnés par le secteur psychiatrique lorsque nous accueillons ces patients surtout lorsqu’ils décompensent dans notre foyer, le personnel n’a aucune formation clinique, aucune formation sur la violence ils n’ont que leur patiente et leur empathie mais ça n’est pas suffisant et même dangereux. Alors nous faisons attention à n’accepter des pathologies gérables en structure médico-sociale afin de ne pas mettre en danger nos résidants atteints de déficience intellectuelle. Alors je me dis que les soins psychiques dans notre pays ne sont pas égalitaires, qu’il ne fait pas bon de ne pas avoir d’argent ou de ne plus correspondre aux petites grilles mises en place par les divers gouvernements afin de faire des économies. Les anciens disaient : lorsque le société ne sait plus prendre en charge ses enfants, ses vieux et ses fous c’est qu’elle n’est plus digne de ce nom !

gou rdon françoise le 3 mai 2013

Je suis infirmière psychiatrique des années 72, en retraite depuis 2010. Tellement passionnée par cette fonction que j’ai repris une activité à mi-temps dans un samsah pour handicapés psychiques. Structure médico sociale qui permet d’accompagner les personnes de manière individuelle lorsqu’elles sont stabilisées et vivent chez elles.
Ce métier a besoin d’être valorisé et d’une reconnaissance spécifique. Le soin est la relation puisque la psychose est une maladie de la relation. Il faut créer confiance et pour cela il faut du temps. Actuellement les services de psychiatrie ne répondent pas à cette demande. Les infirmiers deviennent des gardiens et encore pas de bons gardiens puisque beaucoup de malades fuguent.

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